Encore une fois, je suis rassuré que la bêtise humaine n’a pas de limite et que l’ignorance a toujours un bon vivier d’adeptes.

Encore une fois, quelques Tunisiens, et cette fois c’est des élus, ce qui rend la chose encore plus grave, montrent qu’ils n’ont toujours pas compris que notre Identité en tant que Tunisiens est avant tout basée sur l’acceptation de nos différences, de nos cultures diverses et que personne n’est au-dessus de la mêlée.

Oui, une frange de la population tunisienne est francophone, certains par choix ou conviction, d’autres par obligation ou par défaut. L’un des premiers actes de la concrétisation des objectifs de notre révolution a été de dire qu’elle appartient à tout le monde, ceux du bassin minier, ceux du littoral, de la capitale, mais aussi ceux de l’étranger.
Et il est formidable de voir aujourd’hui que notre Président vient de l’exil forcé en France, que le chef suprême d’Ennahdha a pu rejoindre sa terre natale et dire au revoir au territoire londonien de l’apostasie, et mettre entre parenthèse sa citoyenneté anglaise qui faisait de lui un sujet de Sa Majesté la Reine d’Angleterre, autorité suprême de l’église anglicane.

Comme il est formidable qu’une fille de la deuxième génération des tunisiens vivants en France, ceux là même dont les parents ont connu réellement la cruauté de l’immigration quand quelques exilés d’opinion se pavanaient dans les villas de maître aux frais de la princesse ou du serviteur des deux lieux saints, participer honorablement aux travaux de cette constituante, défendre des idéaux nobles, contribuer à faire retrouver la confiance des Tunisiens de l’étranger dans leur terre natale ou d’origine.

Il est stupéfiant de remarquer à quel point un certain nombre de ces hypocrites qui ont tout eu grâce à l’Europe, grâce à la francophonie, grâce au Monde moderne tomber dans ses raccourcis de populisme sous le credo de l’arabité et de l’islam. Comme si l’arabité ou l’islam étaient des concepts autosuffisants, et pire le monopole d’un parti ou d’une caste.

Cher Monsieur, Chetoui de votre nom, apprenez à vivre avec vos semblables à moins que vous vouliez d’une épuration ethnique, sachez que la culture Tunisienne est plus grande que les frontières dans lesquelles vous vouliez la cloître. Apprenez qu’il y a des citoyens tout aussi honorables que vous, et sans doute même un peu plus, qui ont une autre conception du patriotisme, de l’islam et que le sentiment de fierté en tant qu’arabe ou musulman ne les empêche pas de s’ouvrir sur d’autres cultures.

Cher Monsieur, sachez que quand un Turc ou un Indonésien fait sa prière en arabe ce n’est pas par croyance de la suprématie de cette langue sur la sienne, mais un signe d’une foi immense qui lui permet de s’ouvrir sur les langues étrangères.

Sachez également que c’est la langue française, que j’ai choisi pour m’exprimer, qui m’a permis d’apprendre la déclaration des droits de l’Homme, de lire “De l’esprit des lois” de Montesquieu,”Du Contrat Social” de Rousseau, m’a permis de comprendre les politiques qui ont révolutionné la justice sociale par Jaures et Blum, et c’est la langue française qui vous a appris à dire “Démocratie” et “Constituante”.

Cher Monsieur Chetoui, je suis musulman et francophone, et j’ai fait le choix pour les deux et j’en suis fier mais qu’est ce que je donnerais pour être, ne serait-ce qu’une heure : Tunisien, Juif et Arabophone rien que pour vous emmerder encore plus !