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Par Jalel Chelba – Chef de Division de la Société Civile à L’Union Africaine.

L’initiative en faveur de la création d’une Constituante Civile lancée récemment par des composantes de la société civile qui a été soutenue par M. Mohsen Marzouk, Secrétaire Général de l’Institution Arabe de la Démocratie suscitent quelques observations que j’aimerais partager avec vous pour discussion:

Je commencerais d’abord par saluer cette initiative très louable qui devrait être considérée et appréciée dans un esprit constructif et dans le cadre de la promotion de la participation citoyenne et populaire dans la vie publique visant la reformulation positive de l’avenir de la Tunisie.

Il est important d’insister sur l’impact positif à long terme de telle initiative vue qu’elle permettra d’instaurer une dynamique et interaction durable d’abord au sein de la société civile elle-même ensuite entre les composantes de la société civile et les différents acteurs de la vie publique.

Ce qui importe dans n’importe quelle initiative ce sont les idées et principes qu’elle avance et défend et les idéaux qu’elle véhicule. A fin de donner à cette initiative sa juste valeur, il est important, non pas de l’examiner seulement et strictement dans un cadre conjoncturel qui amènerait à son refus voir à son anéantissement, mais plutôt dans une vision futuriste et durable, d’où la nécessité de l’amender pour répondre aux attentes d’une population en quête d’une vraie démocratie et d’une large participation civique active dans la vie publique.

Trois handicapes entachent cette initiative qui pourraient la fragiliser vue les circonstances dans lesquelles elle est présentée. Ce sont des éléments qui suscitent une fausse interprétation de sa raison d’être, ses objectifs et pousse un bon nombre de citoyens notamment ceux appartenant aux partis politiques représentées au Conseil Constituant à la rejeter. Il s’agit de sa dénomination, le nombre des représentants et son rôle.

Pour qu’elle ait un large soutien non seulement par les partis politiques mais surtout et essentiellement par la société civile et les différentes couches sociales cette initiative devrait être amendée. Elle devrait être repensée dans une perspective futuriste et durable et non seulement de circonstances post électorales. Une large participation populaire et citoyenne dans la conception de l’avenir de la Tunisie devrait passer par une large mobilisation de la société civile, seule garante du respect de la constitution et des lois afin d’avoir dans l’avenir une opinion publique vigilante et qui se lèverait contre toute dérive dictatoriale.

La dénomination «Constituante Civile» pourrait prêter confusion dans l’esprit de beaucoup de gens. Il est souhaitable d’éviter toute similitude avec le Conseil Constituant et dans ce cadre on pourrait penser à l’Alliance, Rassemblement ou Groupement de la Société Civile. Cette forme de groupement et d’organisation existe en effet dans plusieurs pays. Il s’agit d’un « parapluie » qui regroupe les associations et organisations de la société civile au sein d’une nation qui œuvrent ensemble pour faire entendre leurs voies en vue d’influencer les politiques et stratégies et la prise de décision par les décideurs et les autorités publiques.

L’initiative préconise un nombre de représentants équivalent à celui de ceux siégeant au sein de la Constituante élue le 23 octobre. Cette similitude en termes de nombre avec la Constituante n’a pas une raison d’être sinon elle serait considérée comme concurrente de l’Assemblée Constituante. La nouvelle proposition vise à rassembler le maximum des composantes de la société civile au sein de la plateforme d’où la nécessité d’être ouverte à toutes les Organisations Non Gouvernementales qui souhaitent en être membre. La question qui se poserait plus tard serait d’élire un bureau ou un comité de direction qui sera entre autres mandaté à parler au nom de la société civile tunisienne.

Concernant le rôle, cette Alliance n’aura pas comme objectif exclusif de débattre des travaux de l’Assemblée Constituante, mais ça sera une enceinte pour débattre de toute sorte de questions d’actualité et d’intérêt public afin de dégager une position de consensus y compris les questions à débattre par l’Assemblée Constituante.

Les organismes et associations opérant sur le plan national tels que l’organisation syndicale l’UGTT, l’UGET, Ligue de défense des droits de l’homme, l’Association des avocats, les associations de jeunes et des femmes, les différents corps socioprofessionnels et autres devraient être associés dans la discussion et la formulation de cette initiative pour lui garantir les conditions d’acceptation et de succès.

Ces idées préliminaires nécessitent d’être approfondies et appellent un débat par les différentes composantes de la société civile tout en ayant à l’esprit la nécessité de mettre en avant les principes de participation démocratique à la vie publique et la vigilance populaire.