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Le sens de la grande journée de mobilisation populaire du 23 octobre 2011 : Appel du peuple tunisien aux élus de l’Assemblée constitutionnelle pour constituer un gouvernement de concorde nationale afin de répondre à ses attentes urgentes et aux réformes des institutions sans attendre la Constitution.

La participation record aux élections législatives ne doit pas faire illusion et ne doit pas être mal interprée par la classe politique. Elle est un appel de détresse de tout un peuple pour que la classe politique mette un terme à ses manoeuvres politiciennes et se mette au service du peuple.

Il ne faut pas oublier que ces élections ont eu lieu après neuf longs mois d’attente et de souffrances populaires à tous les niveaux : social, sécuritaire, judiciaire, éducationnel, sanitaire, administratif, économique, politique, etc. Or, en appelant aux élections au lendemain de la Révolution la classe politique a cherché ce qu’on a appelé la « légitimité », et par « légitimité » elle a voulu entendre une légitimité « politicienne » et non une légitimité institutionnelle qui n’a pas lieu d’exister puisque la légitimiité est revenue de droit au peuple.

L’ancien régime a été balayé. Il aurait fallu que la classe politique assume immédiatement les aspirations du peuple à la dignité humaine et citoyenne sans attendre aucune légitimité politicienne.

Aujourd’hui, après les élections et après neuf mois de vaine attente, nous nous retrouvons dans la même situation politique où le pays se trouvait le lendemain du 14 janvier : nous sommes tenus aujourd’hui et après cette longue attente à nous réunir tous ensemble, quels que soient les résultats des élections, afin de concétiser la révolution, et pour donner des réponses concrètes aux attentes du pays.

Mais il ne faut pas que cela soit à nouveau retardé sous prétexte d’élaboration de constitution. L’élaboration de la constitution ne nous empêche absolument pas de gouverner et de répondre à nos responsabilités historiques vis-à-vis de notre pays et surtout vis-à-vis de notre peuple qui n’a rien vu arriver depuis la Révolution.
La classe politique doit constituer sans tarder un gouvernement populaire qui sache mettre de côté les calculs politiciens et les soucis idéologiques dont il s’est trop occupé jusqu’ici pour se mettre au service du pays et relever les grands défis qui nous attendent tous.

Il va falloir de toute urgence se mettre au travail et dresser une liste des urgences à traiter en priorité et des mesures concrètes à mettre en oeuvre dans l’appareil administratif, sécuritaire, judiciaire et économique. Seul un gouvernement consensuel sera capable d’une telle tâche, en dehors de toute visée politicienne ou idéologique, avec la participation de tous, « gagnants » comme « perdants », car c’est l’ensemble du peuple tunisien qui a gagné la Révolution, et aucune élection ne saurait exclure quiconque dans cette phase de reconstruction nationale.

Le peuple en sortant et en se rassemblant massivement devant les bureaux de vote, il n’a pas voulu faire des chois politiques ou idéologiques. Il a seulement voulu envoyer un message de détresse à la classe politique qui a trop tardé à répondre à ses besoins, à ses souffrances, à ses angoisses pour son avenir.
Il ne faut pas que la classe politique continue à faire la sourde oreille aux cris du peuple et à ses attentes, sous prétexte de necessités constitutionnelles illusoires et toujours inappropriées.

Il est temps de retrouver l’esprit révolutionnaire trop vite oublié par la classe politique, et de passer à l’action. Il est temps de constituer un gouvernement de concorde nationale. Il est temps de recréer le consensus général apporté par la Révolution fondé sur l’esprit de fraternité et de réconciliation nationale.
C’est avec un tel esprit que nous pouvons relever les défis qui nous attendent et que nous reussirons à être à la hauteur de la confiance que le peuple a mis en nous en cette journée magnifique de mobilisation populaire du 23 octobe 2011.

Paris, le 25 octobre 2011

Mondher Sfar, Militant des droits de l’homme,