Neuf mois plus tard, toujours à la case de départ. Les véritables héros de cette nation sont encore à l’oubli et en dehors de tout calcul politique et humain.

L’ingratitude des Tunisiens, le non sérieux du gouvernement et ses promesses répétitives non tenus, et la complicité des partis politiques nous ont poussé à une action ultime…

Si nous avons décidé de lancer cette action aujourd’hui c’est pour exprimer notre colère. Envers le gouvernement tout d’abord qui n’a pas tenu ses promesses et n’a toujours pas appliqué la décision du conseil ministériel du 21 septembre qui doit permettre, entre autres, la prise en charge immédiate et sous aucune condition des blessés de la Révolution.

La Tunisie va voter pour son avenir dans quelques jours à ce qu’il paraît. Nous voudrons aussi rappeler à tout le monde que c’est grâce à ceux qu’on délaisse aujourd’hui que ceci est possible.

Nous voulons aussi exprimer notre colère envers chaque Tunisien, qui est retourné à sa vie quotidienne, à son travail. Si vous avez pu retourner à cette vie, eux ne le peuvent pas. Vous avez pu reprendre le cours normal de votre existence, eux ne le peuvent plus car pour eux le temps s’est arrêté le jour où ils se sont sacrifiés pour la liberté, pour la dignité des Tunisiens. Ils ont permis à chaque Tunisien de dire «je suis fière d’être Tunisien».

Quelle dignité pouvez-vous revendiquer quand ces héros de la Révolution sont laissés dans l’oubli?

Quelle avenir espérez-vous bâtir quand vous tournez le dos déjà à ceux qui ont crée votre présent?

Au de-là d’avoir chassé le dictateur, la mobilisation n’est pas finit. Le jour où le dictateur est parti, le véritable travail a commencé. La dignité du Tunisien ne doit pas résider uniquement dans une manifestation d’un jour, elle doit s’inscrire dans une action du quotidien qui prouve que chacun d’entre nous est solidaire du malheur des autres. Ici réside l’identité de la Tunisie, la solidarité, la dignité. Tel est le message qui a été envoyé depuis Sidi Bouzid jusqu’à Tunis, en passant par Thela, Gafsa ou encore Kasserine. Ce message qui a été envoyé depuis toutes ces villes martyrs, a largement dépassé les frontières de la Tunisie. Il a été entendu dans le monde arabe, en Europe et même jusqu’en Chine. Ce message résonne encore en dehors de nos frontières, comme en Syrie. Mais ce message n’est plus entendu chez nous.

Notre colère atteint son comble quand nous voyons que des causes comme la défense de la liberté d’expression mobilisent plus que celle des martyrs et des blessés. Si ces manifestations ont pu avoir lieu c’est uniquement parce que des Tunisiens ont donnée leur vie, leur santé pour que d’autres puissent vivre et manifester librement. Ce sacrifice ne doit plus rester sous silence. Chaque Tunisien a la responsabilité à son niveau d’agir pour que les héros de la Révolution ne deviennent pas les oubliés de la Révolution.

Nous avons puisé toutes les solutions et pistes possibles (mobilisations, blogging, enquêtes, sensibilisation…) on se retrouve aujourd’hui face au choix ultime que nous prenons sans hésiter: Une grève de la faim ouverte jusqu’à la prise en charge inconditionnelle et immidiate des cas les plus urgents (que nous allons présenter, dossiers médicaux à l’appui).

Le devoir de mémoire doit avoir lieu avant que ceux qui portent cette mémoire ne disparaissent. Car à chaque moment, leur santé se dégrade et déjà trop nombreux sont ceux qui ne sont plus là. Ils ne sont pas des anonymes. Ils pourraient être votre frère, votre mère ou votre fils. Ils sont devant vous, ils vous font face. Alors regardez-les, le détournez pas votre regard. Ils s’appellent Mouhammed, Rached, Wael, Faycel… Et ils sont Tunisiens, ce que ce pays a de plus brave!

Ils ont porté la cause jusque dans leur propre chair. Vous devez les soulager de ce poids et le porter à votre tour.  Ne vous dites pas ce que les autres peuvent faire (ils ont assez fait), demandez-vous ce que vous pouvez faire pour eux (ils le méritent).

Wael GARRAFI – Blessé de Kasserine, Rached EL ARBI – Blessé de Mornag (Tunis), Faycel EL HIZI – Blessé de kasserine, Ramzi BETTIBI – Nawaat, Houssem HAJLAOUI – Nawaat, et un nombre de blessés et des proches de blessés de Kasserine, Kram, Théla, et Sidi Bouzid entament cette grève de la faim à partir du Mercredi 19 Octobre 2011 à Midi jusqu’à la satisfaction de la prise en charge des blessés les plus graves.

Une conférence de presse sera tenue le jour même à 16h au local de Nawaat (lieu de la grève – 42 Bis, Avenue Bab Bnet, Tunis 1019).