Par Najet Zouaoui

Suite à la campagne de diffamation lancée depuis mai 2010 par Nizar Bahloul directeur général de Business news à l’encontre de l’ancien Ambassadeur de Tunisie à Abou Dhabi Ahmed ben Mustapha et de son épouse , il a été assigné en justice et a comparu le 28/11/2011 devant le tribunal cantonal de l’Ariana pour répondre des accusations de diffamation insultes propagation de fausses nouvelles et refus d’insertion d’un droit de réponse.

1) Déroulement de l’audience

Il convient de rappeler que ce procès est en relation avec l’affaire initiée par le ministère des affaires étrangères à l’encontre de l’ex-ambassadeur en 2006 sur instructions de Abdelwahab Abdallah . Les poursuites engagées sur la base de graves accusations d’abus de biens publics se sont conclues en février 2011 par une décision de non lieu qui a totalement innocenté l’ambassadeur .

En mai 2010 Nizar Bahloul avait publié sur son site avec force détails l’acte de la chambre d’accusation ce qui est normalement interdit par le code de la presse car il s’agit d’un viol du secret de l’instruction sur une affaire non encore tranchée par la justice. Après la décision de non lieu, la justice a estimé recevable la plainte de l’ambassadeur contre Nizar Bahloul et son procès entamé le 06/06/2011 a été reporté à l’audience du 28/09/2011 .

Lors de son interrogatoire, Nizar Bahloul a reconnu les faits niant avoir eu l’intention de nuire ou de diffamer les plaignants et estimant avoir simplement couvert une actualité intéressant l’opinion publique au même titre que d’autres organes de presse ; il a toutefois reconnu avoir connaissance préalable de l’interdiction par la loi du viol du secret de l’instruction ajoutant que selon lui l’importance de l’affaire justifiait sa couverture médiatique. Enfin, il a refusé de révéler la source qui lui a remis la décision de la chambre d’accusation. Son avocat a abondé dans le même sens et a remis un rapport à la cour ou il invoque l’irrecevabilité de la plainte pour vice de forme. Selon lui , les poursuites ont été engagées une année après le dépôt de la plainte ce qui est un motif légal de prescription. Un bref échange a eu lieu à ce sujet avec le président du tribunal qui ne semble pas convaincu du bien fondé de cet argument.

L’avocat de l’ambassadeur a souligné la gravité de la campagne de diffamation et le viol des règles de déontologie journalistique par l’accusé qui n’était aucunement animé par le souci d’informer mais par une intention de nuire manifeste. A ce propos, il a rappelé que l’affaire de l’ambassadeur avait été montée de toutes pièces par Abdelwahab Abdallah pour le compte du régime déchu et des Trabelsi dans le but de le détruire pour son refus de se compromettre dans des agissements illégaux et de servir les intérêts de l’ex-famille présidentielle au détriment de l’intérêt public. De ce fait de nombreux rouages de l’état contrôlés par Abdelwahab Abdallah y compris les médias ont été mobilisés contre lui et c’est dans ce cadre que s’insère la campagne de Business news qui en fait ne s’est jamais arrêtée même après le jugement de non lieu qui a innocenté l’ambassadeur.

En effet, l’accusé a continué à le dénigrer et à mettre en doute son intégrité notamment après avoir été informé de la plainte déposée à son encontre par l’ambassadeur. Plus grave, il l’a menacé de remettre en ligne ses articles diffamatoires et de relancer la polémique en demandant des explications à la justice et au ministère des affaires étrangères qu’il accuse de complaisance à l’égard de l’ambassadeur. Mettant à exécution ces menaces, il a effectivement adressé un courrier au ministère des affaires étrangères qu’il a publié dans un nouvel article diffamatoire paru en date du 04/07/2011. Dans cette lettre, il sermonne le ministère pour avoir reconnu l’innocence de l’ambassadeur et pour l’ avoir réhabilité s’arrogeant le droit.

En égard à la gravité de tels agissements qui traduisent une volonté manifeste de l’accusé de continuer à nuire au plaignant, l’avocat a demandé l’inculpation et l’application de la loi afin de mettre un terme à cette campagne et de réparer les dommages considérables moraux et matériels occasionnés à l’ambassadeur et son épouse.

A la fin de l’audience, le président du tribunal a annoncé le report de l’affaire au 12 octobre 2011 pour le prononcé du verdict.

2) Commentaires et observations

– Le journaliste mis en cause dans cette affaire Nizar Bahloul estime détenir un droit de regard sur une décision de justice supposée avoir tranché définitivement en faveur de l’ambassadeur ;ainsi il n’hésite pas à mettre en doute le verdict ayant innocenté l’ambassadeur en reprochant au ministère de ne pas avoir fait appel. Ce faisant il prétend dicter au ministère des affaires étrangères la conduite à suivre sous prétexte de recherche de la vérité comme si l’établissement de celle-ci ne relève pas de la justice souveraine qu’il semble implicitement accuser de complaisance à l’égard de l’ambassadeur.Il s’agit là d’une conception perverse du journalisme poussée à l’extrême et qui s’est ainsi transformée en une sorte de persécution et de chantage au scandale exercée sur l’ambassadeur en réaction à la plainte déposée contre l’accusé.

– Après l’établissement de l’innocence de l’ambassadeur les accusations véhiculées par le nouvel article de Bahloul dépassent en gravité la simple diffamation qui relève du code de la presse.Il s’agit en effet d’un délit beaucoup plus grave relevant de l’article 128du code pénal car l’accusé attribue par voie de presse à un fonctionnaire public des actes illégaux dans l’exercice de ses fonctions sans en établir la véracité et ce en contradiction d’une décision de justice définitive et irrévocable.C’est pourquoi une nouvelle plainte est en cours sur la base de cet article qui prévoit une peine privative de liberté pouvant aller j’usquà deux ans de prison selon la gravité ses agissements mis en cause .

– Cette affaire pose à nouveau le problème de la diffamation par voie de presse électronique dont les effets dévastateurs sont sans commune mesure avec la presse écrite ;cette question mérite une reflexion approfondieen relation avec la révisionen cour du code de la presse qui devrait comporter des dispositions appropriées à ce sujet .