Force est de constater que la révolution du 14 janvier a été la montagne qui a accouché d’une souris pour ce qui est de l’Université tunisienne. Les universitaires ont suivi avec beaucoup d’espoir les réformes promises par Ahmed Brahim, militant de la première heure, homme de lettres et surtout universitaire avant tout. A l’issue de la démission du gouvernement Ghanouchi, monsieur Rafaat Bououni, pardon, Chaabouni, illustre inconnu pour beaucoup, s’est retrouvé à la tête du M.E.S. Or le rapprochement va au-delà de la parenté graphique puisque la politique de Bououni, cet ancien sbire de Ben Ali est encore appliquée aujourd’hui dans cette ère révolutionnaire. Il est indéniable que l’Université tunisienne n’a pas encore fait sa révolution et que des petits fonctionnaires continuent à faire la pluie et le beau temps en statuant sur l’avenir des enseignants chercheurs, cette chair fraiche nouvellement recrutée, propre à assouvir les penchants sadiques de certains bureaucrates. Aujourd’hui pas plus qu’hier, un poste ne se mérite pas, il se donne selon le bon vouloir du ministre. Le Ministère de l’enseignement se livre en effet à un jeu qui sied très peu à une institution de cette envergure. Lors de l’ouverture des concours de recrutement en externe, le M.E.S fait miroiter aux candidats des postes vacants dans les différentes régions de la Tunisie, le candidat appâté, dépose un dossier. S’il fait partie des rares personnes qui réussissent, il ne peut rêver d’avoir le poste qu’il mérite selon son classement, non, car le Ministère, ferme tous les postes qu’il ne juge pas prioritaires ( sans en avertir le candidat), l’affecte dans un lieu qu’il n’a très souvent même pas demandé, lui envoie très tard après la rentrée universitaire, le lieu de son affectation, ne laissant pas à l’enseignant le temps de s’organiser, de trouver où loger, de gérer sa vie de famille et surtout son emploi du temps, puisque dernier arrivé, dernier servi. Pire encore, j’étais hier au ministère, quand on a demandé l’affichage des résultats en toute transparence, on nous a répondu que M. Chaabouni refusait de le faire. De quel droit s’il vous plait ? Et de quelle transparence parlez-vous encore ? En plus d’avoir été agressés violemment dans l’enceinte même du ministère de l’enseignement supérieur il y a quelques mois, les enseignants sont aujourd’hui les pions de cette même politique surannée et subissent une agression psychologique à répétition.

En plus d’affecter les enseignants selon leur bon vouloir, une loi datant de Bououni et toujours en vigueur, oblige l’enseignant à rester 4 ans avant de demander sa mutation, brisant ainsi les volontés les plus tenaces. Pourquoi ces enseignants moins chanceux doivent-ils vivre le cauchemar de l’éloignement 4ans durant, pourquoi doivent-ils débourser la moitié de leurs salaires pour assurer leurs fonctions. Pourquoi ces universitaires qui ne demandent rien que de s’investir ont l’impression de ne jouir d’aucun droit.

M. Rafaat Chaabouni a annoncé la rentrée universitaire pour le 12 septembre, la plupart des maîtres assistants n’ont pas reçu leurs affectations, les assistants n’ont même pas passé la concours, et la plupart d’entre eux vont se retrouver dans des endroits qu’ils n’ont même pas demandé. Est-ce normal d’être classé deuxième ou troisième, d’avoir eu le mérite de réussir et de vivre son affectation comme « la sanction des meilleurs ». Pourquoi ces personnes paient-elles pour ceux qui ne réussissent pas ? Pourquoi les mutations ne sont pas réduites à deux ans pour encourager les enseignants à intégrer leurs lieux d’affectations ? Pourquoi le ministre ne prend pas en considération les besoins des chefs de départements en besoin de candidats ? Pourquoi le seul critère est celui populiste de remplir les instituts implantés un peu partout dans les régions, au lieu de penser à construire de grands pôles universitaires afin d’améliorer le niveau d’enseignement. Cette politique de Chaabouni n’est que la continuation malheureuse de la secondarisation de l’Université tunisienne instaurée par Bououni pour l’affaiblir.. Là ou le Ministre de l’emploi s’entoure de jeunes compétences pour insuffler un souffle nouveau au ministère, celui de l’enseignement supérieur se complait dans une posture archaïque très peu en phase avec les demandes des enseignants et des étudiants. Nous nous retrouvons aujourd’hui avec un Ministre de tutelle, frileux, sans aucune audace, qui n’a pas compris l’Université tunisienne doit aussi faire sa révolution, à commencer par lui.

M. Chaabouni, réveillez-vous, les enseignants soucieux de la qualité de l’enseignement, vivent au quotidien au contact de leurs étudiants, ils ne sont pas dans leurs tours d’ivoire, complètement coupés de la réalité du terrain. Ils ne viennent pas travailler à 8h30 avec chauffeur. Non monsieur, ces universitaires que vous affectez injustement, se lèvent à 5h pour beaucoup, préparent leurs enfants, les consolent avant de partir prendre le premier train, ou essayer de dégoter une place dans un louage, ces universitaires ne rentrent pas le soir chez eux, ils sont dans un hôtel miteux qu’ils paient de leurs propres salaires, ces universitaires ne rentrent pas à la marsa ou el menzah pour manger chez eux, c’est à peine s’ils risquent l’intoxication à chaque fois qu’ils s’arrêtent pour manger dans une gargotte et ce pendant 4 ans; Certains syndicalistes contactés ce matin, disaient que les choses ont toujours été comme ça. Oui mais les choses ont changé ou nous les avons changé.Il suffirait que les étudiant et les enseignants décident de descendre à la rue. Ne remuez pas le couteau dans la plaie, Monsieur le ministre, et ayez l’intelligence de ne pas exciter des chiens qui risquent de s’enrager.