Les peuples libyen et tunisien ont connu une histoire de commune solidarité à toute épreuve que symbolisaient leurs combats notamment pour leur indépendance respective ou pour l’éviction de leurs dictateurs. En toutes circonstances, leurs populations se sont mêlées pour le meilleur et pour le dramatique, associant leur sang dans la joie ou le sacrifice. Rien ne laisserait apparaître de leur riche histoire commune une quelconque animosité entre leurs populations à l’exception de certaines actions dictées par la recherche de l’hégémonie de certains de leurs dirigeants ou de calculs politiques d’autres à caractère interne. Ces peuples ont apporté la preuve irréfutable à l’occasion de leurs révolutions de 2011 que leur destin est et ne peut être que commun ; les valeurs pour lesquels ils se sont battus et sacrifiés, sont les mêmes et se traduisent en termes de liberté, de démocratie, de tolérance et de bénéfices de développement au profit de toutes les catégories sociales de leurs populations, attachées à ses acquis civilisationnels, culturels et religieux et ouvertes sur l’extérieur.

Cette approche commune pour deux pays voisins, pacifiques, modérés dans leur ambition de concevoir à l’avenir leurs relations régionales et internationales nous a incité à réfléchir à haute voix sur le devenir de leurs relations bilatérales particulièrement économiques et ce au moment où certains s’adonnaient à une réflexion cloîtrée.Quelques observations préliminaires méritent d’être faîtes :

  1. Les échanges tuniso-libyens ont été caractérisés durant les quatre dernières décennies par un aléa de taille à savoir leur soumission à l’humeur politique des dirigeants notamment de kadhafi pour des raisons hégémoniques ou de ben ali pour des raisons de calcul de politique intérieure. Quant au Président Bourguiba, il en a fait les frais pour ses positions d’homme d’Etat ou par réaction à certaines actions déstabilisatrices,
  2. Les échanges commerciaux ont concerné essentiellement des opérations d’import – export organisés mais également des flux informels importants de marchandises de toutes sortes, poumons du sud tunisien qui a été longtemps laissé à son propre sort, ne suscitant de l’intérêt qu’à la suite de mouvements de contestation – préludes à la Révolution – par ailleurs violemment réprimés,
  3. La coopération technique, culturelle et scientifique bilatérale est restée de caractère classique et était soumise aux orientations idéologiques de kadhafi et à son souci de limiter l’illumination de la majorité de son peuple encastré dans les préceptes du Livre Vert et des Comités Populaires -plutôt populistes- préoccupés par une propagande de l’image du chef, Les flux migratoires sont plus de tendance informelle et individuelle à l’exception de
  4. Placements de certaines expertises ponctuelles ou d’accords portant sur l’emploi de main – d’œuvre qualifiée,
  5. Les entreprises tunisiennes trouvent leur compte dans des opérations plus en tant que sous- traitants et quelque fois en tant que chefs de file s’exposant en cas de crises à un blocage de paiement souvent sources de cas de faillites nonobstant certaines garanties de risques encourus ; leur vigilance était de mise pour de telles opérations.

Un tel bref descriptif de certains volets de la coopération bilatérale tuniso – libyenne actuelle, devra s’orienter vers de nouvelles formes de coopération qui soient axées sur une intégration économique que dictent l’histoire commune, les mutations intervenues suite aux Révolutions en cours de stabilisation et un destin commun orienté vers une interdépendance stratégique et des orientations d’intérêt communs fraternellement enrichis et partagés, favorisant une relance effective de la construction maghrébine sur des bases nouvelles de démocratisation de la vie politique, de la bonne gouvernance et un développement qui soit en faveur de toutes les catégories sociales dans un esprit de solidarité et d’ouverture.

Aussi conviendrait – il d’initier de nouvelles orientations aux futures relations bilatérales entre les deux pays après l’éveil de la dignité et de la démocratie et l’élan qui en résultera. Quelques idées d’orientation sont à approfondir :

  1. Les opérateurs privés tunisiens et libyens devront initier en Libye de petites et moyennes entreprises mixtes performantes par l’apport de capitaux et de savoir-faire dont la production est orientée vers la satisfaction des besoins du marché libyen rompant avec le réflexe d’export ou import systématique de produits manufacturés facilement réalisables sur le territoire libyen créant de surcroît de l’emploi et un enchevêtrement d’intérêts,
  2. Du côté tunisien et outre les fournitures de brut et de gaz libyens, les investissements libyens devront être encouragés substantiellement (totale exonération) pour la réalisation de projets privés mixtes (le projet de raffinerie de Skhira par exemple…) qui soient orientés vers le marché international, bénéficiant aussi d’atouts que la Tunisie possède actuellement au niveau de ses accords avec l’UE et l’O. M. C. D’ailleurs des projets libyens ou mixtes fonctionnent déjà en Tunisie et ont enregistré de substantiels bénéfices ; l’intérêt pour l’avenir est de les réactiver dans un esprit de complémentarité et en fonction des nouvelles orientations politiques communes des deux pays,
  3. Faire prendre les mesures de nature à libéraliser totalement – en exonération de tous droits et taxes – tous les produits échangés entre les deux pays et qui soient fabriqués ou cultivés sur les territoires de l’un ou de l’autre en concrétisation d’une zone de libre échange totale et d’une Union douanière à brefs délais. Cette initiative s’inscrit d’ailleurs dans les processus théoriques des conceptions de l’U .M. A et de la Zone d’échange interarabe,
  4. Apporter une assistance prioritaire à la Libye en matière d’Education Nationale pour l’élaboration de son système éducatif qui soit l’expression des aspirations du Peuple libyen orientée vers le respect de ses valeurs spécifiques dans un pays démocratique, libre de son destin, respectueux de ses valeurs arabo – musulmanes, africaines, méditerranéennes et de tolérance et qui soit ouvert sur le monde extérieur. Le secteur de la santé publique devra retenir le même intérêt,
  5. Créer une synergie entre les Etablissements d’Enseignement Supérieur en vue d’une complémentarité qui retienne des considérations scientifiques d’ouverture mettant en exergue le développement des potentialités diverses des deux pays,
  6. Sur le plan de l’emploi et de la formation, il faut avoir le courage politique de libéraliser le secteur et d’instaurer d’ores et déjà une liberté totale de circulation des personnes incluant le libre emploi et la gratuité de formation dans l’un et l’autre pays outre une liberté effective d’établissement notamment,
  7. Au niveau du développement du tourisme, il devra être retenu le lancement d’unités hôtelières mixtes et/ou internationales sur les côtes merveilleuses de Libye et de concevoir des circuits complémentaires pour des touristes de l’Europe de l’Est et de Russie, de certains pays américains et asiatiques,
  8. Sur le plan structurel, il est recommandé de créer une Structure de niveau ministériel permanente, ayant siège de son Secrétariat à Zarzis, assurant le suivi du processus d’intégration et proposant aux Gouvernements respectifs des mesures et initiatives à prendre en vue de consolider l’objectif du destin commun et des intérêts enchevêtrés.
  9. Enfin la Tunisie devra mettre à la disposition de la Libye toute son expérience en matière de l’édification de structures étatiques multisectorielles modernes et y détacher des experts tunisiens de haut niveau pour assurer- le temps nécessaire – la formation de jeunes cadres libyens,

Les Révolutions tunisienne et libyenne dont les caractéristiques de chacune d’elles sont spécifiques mais dont la vocation est unique à savoir la rupture avec des régimes dictatoriaux que caractérisaient le non respect des droits de l’homme, des règles de fonctionnement démocratique du pouvoir et des aspirations des peuples à une vie digne et libre , sont condamnées – pour leur vitalité et leur survie – à une solidarité sans faille, à un avenir commun, à un destin partagé et à une prospérité de leurs populations qui soient la concrétisation de l’objectif premier de leur Révolution : une justice sociale dans la solidarité de tous.

L’Union de Djerba que l’histoire a retenu comme ayant été initiée pour des considérations de politique politicienne verra un jour dans le processus qui sera engagé avec détermination de part et d’autre de deux pays voisins , la réalisation d’un rêve populaire commun que rien n’arrêtera ! l’UMA décollera à ce moment là !