Les tunisiens ont balayé d’un revers de main le « chacun pour soi ! ». Ils l’ont démontré à la fin du mois de décembre et jusqu’au 14 janvier qu’ils étaient ravis de faire cause commune et faire dégager leur bourreau. Victimes d’une tyrannie politique et affairiste pendant plusieurs décennies, ils ont fini par se souder et se dresser comme un seul homme pour dire, « basta ! ».

Depuis, le relais a été vite transmis aux mains des partis politiques, tout naturellement promus comme étant acteurs centraux du nouveau paysage politique. Pierre angulaire de l’édifice du nouveau système démocratique, les partis ne se sont pas faits attendre pour se positionner et entamer une campagne de vulgarisation de la chose politique auprès des citoyens. Mission très louable puisque pendant des décennies durant, il n’y avait que pour un seul homme et un seul. Le seul qui savait tout faire d’ailleurs… à tel point que la majorité des tunisiens s’est complétement désintéressée de la vie publique.

La nouvelle donne politique exigeait de se préparer pour la prochaine échéance électorale, l’élection de la constituante annoncée pour le 24 juillet, reportée au 23 octobre. L’enjeu de cette élection est très clair, élire des représentants du peuple pour rédiger une nouvelle constitution du pays, choisir un gouvernement de transition et un Président ! A plusieurs reprises, des éminents responsables politiques déclaraient, de tout bord, à qui le voulait l’entendre, et à diverses tribunes que cette échéance n’était que politique et n’exigeait pas un débat autour des programmes !!!

Comme il suffisait de le dire, la solution de facilité, par manque de préparation, la compétition entre les partis s’est trouvée vidée de sa substance et au lieu de vivre une confrontation pédagogique et apprenante programme contre programme, l’échange des invectives et les procès d’intention ont pris le dessus et ont laissé pantois un peuple ébahi, choqué, se demandait si c’était ça la liberté à laquelle aspirait les martyrs de la révolution.

Le résultat ne s’est pas fait attendre, le piètre score des inscriptions est un signal fort pour dire : « personne ne gagnera tout seul ! » ; « le chacun pour soi est révolu ! » ; « y en a marre des divisions ». Le mot d’ordre semblait être « Tous ensemble pour une Tunisie gagnante, prospère… ». C’est comme ça que la dictature est parti, parce que les tunisiens étaient unis contre elle. C’est comme ça que les tunisiens veulent que nous avançons, tous ensemble. Les tunisiens ne comprennent pas pourquoi on s’entredéchire ? Il n’y a même pas eu un débat ni sur la vision, ni sur les programmes… et malgré ceci, les symptômes des divisions se multipliaient. Alors le peuple, puisqu’il est souverain, il a tranché ! Mal, mais il a tranché. Un ralentissement dans les inscriptions. C’est la panique et à juste titre. Partir aux élections du 23 octobre avec moins que 50% des inscrits est un échec, c’est inadmissible ! Injustifiable.

Avant d’être en compétition, les partis sont d’abord, tous, sans aucune exception, au service de la Tunisie et des citoyens. Avant de compter les places victorieuses, ils doivent travailler pour souder un peuple qui n’a pas encore fêté la victoire sur la tyrannie. Avant de se lancer dans les calculs politiciens, ils feraient mieux de donner le goût de l’engagement à un peuple qui a déserté les responsabilités citoyennes et les arcanes du pouvoir depuis belle lurette. Avant d’imposer sa propre ligne directrice, ils doivent fédérer les énergies pour opérer des sauts conceptuels et mobiliser les citoyens autour d’un nouveau schéma mental capable de hisser la Tunisie vers les meilleures places.

La responsabilité historique des partis est engagée. Elle n’est pas uniquement une simple consignation d’une signature au bas d’un document, c’est avant tout des actes et des faits visibles par les citoyens. Dans la nouvelle Tunisie, personne ne gouvernera tout seul. Le nouveau système démocratique garantira l’alternance. Chacun goûtera le pouvoir et l’exercera pendant un laps de temps. Les tunisiens sauront ne pas mettre la totalité des pouvoirs entre les mains d’une seule personne. Cette perspective est une grande victoire pour ceux qui n’ont connu que 2 présidents au plus, avec les pouvoirs les plus étendus. Elle a le mérite aussi de dire aux tunisiens que les combats ne sont pas terminés, au contraire, de nouveaux vont être programmés avec de nouveaux enjeux législatifs et présidentiels. Les citoyens tunisiens sauront faire le tri à ce moment-là.

Aucun peuple ne supporte les divisions, même dans les démocraties avancées, les politiques savent trouver des consensus sur des sujets sensibles. Ils savent mettre la main dans la main lorsque l’intérêt général l’exige. Faisons confiance à nous-même. Faisons confiance à notre capacité à se mobiliser pour défendre la plus belle chose que le monde nous envie, notre « soft transition ».

Le dialogue est notre porte de sortie pour construire une Tunisie unie, prospère, moderne, tournée vers l’avant, fière de sa « tunisianité ».