Les Tunisiens n’ont surement pas le droit de s’arrêter en si bon chemin. C’est leur responsabilité morale envers leur pays, et ils doivent scrupuleusement l’honorer. Voilà ce que chacun de nous devrait opposer aux agissements des fouteurs de trouble, aux réactions épidermiques et à la cacophonie de leurs compères, opportunistes notoires et révolutionnaires de la dernière heure toutes catégories confondus.

L’acte révolutionnaire engendré, une agitation bien orchestrée autour du premier amendement de la constitution seul « fond de commerce » des politicards endurcis ou des enjeux identitaires, chers aux fondamentalistes comme aux défenseurs d’un héritage sociétal sécularisé, allait imprégner le paysage politique légitimant une confrontation ouverte cherchant sciemment à déjouer toutes les « feuilles de route » qui ne leur garantissent pas une position privilégiée dans la ruée vers la représentativité politique.

Il fut un temps ou ce genre de débat faisant mine de virer vers une forme saugrenue de violence ou vers une anarchie hypothéquant la bonne marche des institutions républicaines, nous a obligé à donner raison – non sans grande déception d’ailleurs- aux défenseurs d’un régime autoritariste et exclusiviste digne d’une république bananière. Nous connaissons aujourd’hui le prix que nous avons consenti à payer pour s’émanciper de notre lâcheté collective en l’occurrence un quart de siècle ou presque de chape de fer.

Ceux qui nous invitent aujourd’hui, et à juste titre d’ailleurs, à nous indigner contre les agissements dénuer de toute civilité d’une « horde de barbus » paressent oublier les enjeux politiques des marionnettistes attitrés d’un Etat encore policier qui continuent à croire qu’ils détiennent les ficelles leurs permettant de déjouer des situations par trop complexes, y compris la possibilité d’imposer leur propre façon de gouverner à une situation éminemment révolutionnaire !

Nous sommes tous des tunisiens et nous devrions jamais perdre de vue une telle évidence si nous voulons un jour réédifier une patrie en partage. Ce n’est surement pas en cherchant à nous disqualifier d’une telle identité et par des moyens qui prêtent à équivoque, que nous allons réussir à baliser le chemin qui nous mènera à acquérir enfin une citoyenneté qui parait aujourd’hui plus que jamais bien à notre porté.

Rachid Ghanouchi, Abdelfattah Mourou, Mohamed Talbi, Nedia Fenni, Jalila Baccar, Yadh Ben Achour, Beji Caid Essebsi, militants syndicalistes, agitateurs culturels, intervenants dans la société civile, travailleurs, chômeurs, analphabètes, étudiants hommes et femmes vivants dans le pays ou résidants à l’étranger sont tous les acteurs attitrés d’une nouvelle histoire écrite par tous les Tunisiens. Et même ceux qui n’arrivent pas à se reconnaître dans un tel statut ont eux aussi – et quoiqu’en disent les détracteurs – bien le droit de vivre avec les autres s’ils se garderont de ne point oublier que les lois qui régissent la vie publique ne souffre d’aucune exception et qu’ils sont les mêmes pour tous ceux qui ont accepté et accepterons de coexister ensemble toute en se réclamant de la même nationalité tunisienne.

C’est pour nous à ce prix et à nul autre que nous arriveront à nous prémunir contre une culture de l’excès, dont le discours débordant d’émotivité paraît mal caché une volonté consciente de manipulation. Etre vigilant ne veut pas dire jouer sur les amalgames ou tomber dans la dérive d’un militantisme béant croyant détenir à lui seul la vérité en affichant pour toute culture politique un exutoire progressiste gauchisant digne d’une annexe soviétique.

La Tunisie est en phase aujourd’hui d’écrire une nouvelle page de son histoire. Nous la voulons consensuelle et conflictuelle, progressiste et musulmane mondialiste et alternative, moderne et traditionnelle. Derrière nous doivent se situer les peurs, les appréhensions les soupçons qui donnent raison à ceux qui ont toujours cru que l’intransigeance, le despotisme et le fanatisme ont les pays d’Orient pour seule est unique patrie.

Un tunisien ne peut-il pas prétendre au progrès tout en s’identifiant à sa culture arabo-musulmane ? Ne peut-il s’arrimer à son passé antéislamique tout en affichant sa différence par rapport à la culture occidentale ? Ne gagne-t-il pas à préserver ses traditions locales tout en s’ouvrant sur toutes les cultures universelles? Voilà ce que nous devrions tous défendre, le reste est de l’ordre de la surenchère sur « fond de commerce » obsolète et hors saison.