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Par khaled Ridha,

 
Le 14 janvier, le ciel de Tunis a été déchiré par un cri saccadé émanant de la foule rassemblée devant le ministère de l’intérieur. Un slogan ravageur est né : Dégage !

Scandé par les manifestants, il signifiait au dictateur la rupture consommée avec les citoyens. Tel un chant joyeux accompagné par une chorégraphie qui rappelle le battement d’ailes, il annonçait la liberté de tout un peuple.

Depuis, le mot « Dégage » a connu un succès inégalé. Une flopée de « Dégage ! » a submergé le pays. II y eut des consensuels, des partisans, des sectoriels, des collectifs, des solitaires….

Aux « RCD dégage ! » et « Ghannouchi dégage ! » de la Kasbah ont répondu les « UGTT dégage ! » et « Jrad dégage ! » de la Koubba. Et le « dégagisme » est devenu une attitude, une prise de position à l’égard de tel ou tel gouverneur, de tel ou tel P D G…

Simple, direct et concis, le slogan « Dégage » s’est banalisé devenant le cri de ralliement de tout groupe contestataire ou désabusé. En se généralisant, il a occulté les débats d’idées, pris de court les procédures légales et réduit les marges de dialogue.

Si le « Dégage ! » émane généralement d’un groupe, ce n’est pas le cas de son frère jumeau l’énigmatique « Thamma Atraf ». En effet, ce dernier sort en général de la bouche d’un « officiel » ou d’une personne autorisée. Il est solennel et sérieux, prononcé avec gravité.

Il contraste avec le « Dégage » plutôt bon enfant et qui nomme les choses par leur nom.

Ceux qui lancent leur « Dégage » ne manquent pas d’identifier leur cible. D’ailleurs, le « Dégage ! » orphelin ne peut exister !

Par contre le « Thamma Atraf » est anonyme, inconnu, non identifiable. C’est le fantôme qui rôde partout, qui est rendu responsable de tous nos malheurs…

Ainsi « Thamma Atraf » qui ont terrorisé les tunisiens durant les premiers jours qui ont suivi la fuite du dictateur. Ils sont derrière les snipers, les saccages, les coups de feu…Même notre chère télévision nationale s’est mobilisée pour recevoir les appels en détresse des citoyens apeurés par ces « Atraf ».

Par la suite, nos journalistes ne manquaient pas de nous rappeler que « Thamma Atraf » derrière la dérive sécuritaire, la surenchère des revendications sociales, les émeutes…

Le soir de sa démission, Monsieur Mohamed Ghannouchi, en parlant des difficultés qu’il avait rencontrées dans l’exercice de sa fonction, évoquait lui aussi que « Thamma Atraf » qui mettaient tout en ouevre pour saboter la transition démocratique.

Les leaders de certains partis qui ont été empêchés de tenir certaines réunions publiques ou ceux qui ont été écartés des débats télévisés, disent eux aussi que « Thamma Atraf » qui sont derrière ces agissements.

Après les manifestations suscitées par les déclarations de M. Rajhi, Monsieur Caïd Essebsi a déclaré que « Thamma Atraf » qui manipulent les manifestants dans le dessein de retarder l’échéance prévue des élections de la Constituante.

Si ceux qui sont au sommet de l’Etat disent que « Thamma Atraf » c’est qu’ils en ont des preuves. Et s’ils ont des preuves, c’est qu’ils sont capables d’identifier ces « Atraf ». Alors ?

Y a-t-ils des raisons qui justifieraient ce flou entretenu depuis quatre mois ?

Ces « Atraf » sont-ils si puissants qu’on n’ose pas les nommer de peur qu’ils ne subissent les foudres du « Dégage » populaire ou qu’ils fassent capoter la marche vers la démocratie?

A qui profite cette opacité ?

S’il serait plus raisonnable de cesser de lancer des « Dégage ! » et de s’atteler à la construction démocratique, permettez-moi de crier pour la première et dernière fois : Dégage ! Thamma Atraf !