Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Soutenir ce n’est pas cesser d’exercer son sens critique, fermer ses yeux et ses oreilles et faire la politique de l’autruche en attendant que ça passe …cela s’appelle de la soumission ou de l’inconscience…Nous l’avons fait depuis si longtemps que hélas c’est devenu un automatisme inconscient chez beaucoup d’entre nous.

Oui la peur constitue la meilleure méthode pour convaincre et contrôler un peuple…La peur nous fait accepter l’inacceptable. Mais aujourd’hui il y a une grande partie du peuple qui n’a plus peur car elle a connu le pire justement …Moi je peux me taire, cela ne changera pas grand chose à ma vie mais cela changera certainement beaucoup de choses dans la vie de ceux qui connaissent, et parfois simultanément, différents visages de souffrance et que je n’ai pas connus : la faim, le mépris, le chômage, la perte d’un proche dans cette révolution, le fait de perdre un être cher par faute de moyens pour le soigner etc….C’est la somme de ces souffrances qui a engendré cette révolution. Celle -ci n’est pas une fin en soi mais le début d’un processus d’apprentissage pour tout le monde, y compris ceux qui croient tout savoir…

Ce processus peut s’avérer douloureux mais inévitable. La leçon primordiale relatives aux “droits et devoirs” nécessite du temps pour être assimilée. C’est un pré requis pour l’instauration et la préservation d’un état de droit. Nous aurons beau écrire des constitutions, des décrets et des lois et avec la meilleures des assemblées constituantes, ils ne resteront que de la théorie tant que ce changement intrinsèque ne se fera pas. Cette première leçon se fait par mimétisme et c’est le gouvernement ainsi que les institutions nationales qui doivent montrer l’exemple. Comment un prof peut il exiger de ses élèves de venir à l’heure si lui même ne respecte pas l’heure ? Pire encore, comment peut-il leur demander de le respecter si lui même ne les respecte pas ?

Soutenir le gouvernement transitoire ne passe pas par la mise en veille du sens critique et pratiquer à outrance la censure vis à vis de soi et de son entourage. La pensée unique n’existe plus et nos responsables doivent apprendre l’art du compromis ou l’art de composer avec une “opinion publique ” parfois intransigeante, parfois capricieuse, parfois sage…L’opinion publique est un baromètre et un outil de contrôle (communication, programme, visions, notoriété etc.) mais peut aussi faire l’objet de manipulations. Le responsable politique qui travaille au service de son pays, utilisera surtout le premier aspect pour affiner son programme, ses idées, ses positions tout en restant fidèle à ses valeurs. Un homme politique qui est surtout au service de ses intérêts, utilisera plus le deuxième aspect : tenter de manipuler cette opinion en se basant sur les arguments classiques de peur et d’incertitude. Dans ce dernier cas, il n’existe pas de valeurs fondamentales “socles” qui guident concrètement les choix et les idées politiques mais celles -ci fluctuent au grès des situations des contextes et des opportunités.

Donc le meilleur moyen de soutenir un gouvernement auquel vous croyez c’est de garder son esprit critique en éveil. Car toute critique constructive et argumentée constitue au contraire un garde fou voire un axe d’amélioration que tout responsable politique doit prendre en compte pour ajuster ses décisions et sa communication. C’est vrai qu’aujourd’hui en Tunisie nous sommes à des années lumières de cela, mais exhorter les gens à la censure et l’auto censure ne fera qu’aggraver la situation, qui à mon sens est déjà très grave.

BCE avait un capital sympathie qu’il n’a pas su maintenir. El Rajhi va avoir un rôle de victime voire de héros national, qu’il ne mérite probablement pas à mon sens et l’enlisement est inévitable.

Je pense qu’aujourd’huiles il existe deux demandes prioritaires du peuple tunisien : la justice et la fin des pratiques barbares de la police. Si le gouvernement n’est pas capable d’incarner cela à son niveau, comment veux-tu que les gens y croient et qu’ils commencent à intégrer les notions de droits et devoirs. Et c’est là où réside le vrai danger ! Car c’est “la justice de la rue” et l’anarchie qui se substitueront à l’état de droit. Hélas j’ai l’amère sentiment que nous nous dirigeons vers cela et que le gouvernement a raté le coche en matière de communication et de gestion de crise. Personnellement je n’ai pas été convaincue par le discours d’hier bien au contraire mais ce n’est pas mon avis qui m’importe le plus, ma celui de ceux qui sont dans les rues pour de bonnes ou mauvaises raisons et c’est eux qu’il faudra canaliser.

Je pense qu’avec une minorité l’intervention policière est nécessaire, mais une grande majorité réclame vainement un état de droit, et plus de transparence …ce qui est plus que légitime. J’ai toujours appelé au soutien de ce gouvernement transitoire. Mais hélas, aujourd’hui, je me trouve à court d’arguments et incapable de le faire si je devais être honnête intellectuellement. Le seul recours est l’utilisation de la peur…l’être humain est rempli de peurs qu’il suffit de réactiver, mais je sais que les décisions prises par peur ne sont jamais les bonnes. Moi aussi j’ai peur…et encore plus après avoir entendu le discours BCE. Je pense que ceux qui veulent vraiment soutenir ce gouvernement devraient par tous les moyens lui transmettre leurs critiques (articles de presse, engagement politique, etc.), rester vigilants car tout acquiescer, s’auto censurer et censurer autrui n’est pas le meilleur moyen pour sortir de ce pétrin.

Aujourd’hui nous sommes doublement responsables : il ne faut pas se contenter du “est ce que ce discours me convainc ?” mais “est ce qu’il peut convaincre une majeure partie de l’opinion publique dans le contexte actuel ?”. Car l’objectif ce n’est pas tant que cela me convienne personnellement mais trouver le compromis qui convienne à une majeure partie. Aujourd’hui ce gouvernement doit faire ce compromis, en sacrifiant peut être quelques têtes, en ayant le courage de le faire même si l’effet domino n’est pas maitrisable, ou en adoptant des mesures symboliques et radicales. Et si cela peut se faire le plus rapidement possible (à l’image de la réactivité qu’il a eu pour remettre El Rajhi à sa place) cela nous rendrait un grand service !! Et surtout avant qu’il ne soit trop tard et que la frustration du peuple ne soit récupérée par les malintentionnés, si ce n’est déjà fait.