Par Tounsi Tounsi,

Je ferai abstraction de ce qui s’est déroulé avant le 14 janvier.

Nous sommes le samedi 15 janvier, Ben Ali s’est enfuit, la situation dans le pays est très grave, il y a des incendies, des vols, des cris de vengeance, en résumé l’anarchie qui règne partout.

Durant ces événements, un groupe qui se sent menacé s’est formé, je vais les appeler le groupe des 7 ; la mission de ce groupe est de protéger ses intérêts et de garder le pouvoir. Ils ont réagi comme l’ensemble des Tunisiens à ce moment là ayant créé des comités de quartier pour se défendre. Pour le groupe des 7, son champs d’action sera le pays et sa mission le pouvoir, une aubaine après que le peuple ait fait le nécessaire pour évincer les Trabelsi.

Je vais supposer que dans le groupe des 7, il n’y a pas de chef, mais que chaque membre doit avoir certaines qualités pour faire réussir la mission du groupe. Pour cela, je vais essayer de définir les membres du groupe des 7 :

  • Il y a monsieur manitou celui qui gère le groupe, après les révélations de monsieur Rajhi, je vais supposer que c’est Kamel Eltaief, le seul qui sera nommé, les autres membres restant encore sous l’anonymat même si on peut en deviner quelques uns.
  • Très important, il faut avoir quelqu’un de très solide financièrement et qui a beaucoup à perdre si la mission échoue, celui qui va financer l’ensemble des décisions et des actions qui seront prisent par le groupe des 7.
  • Il faut avoir un haut gradé dans les forces militaires, la raison est évidente.
  • Il faut avoir un ou deux hauts gradés au ministère de l’intérieur, il ne faut pas oublier que l’ancien régime reposait essentiellement sur ce ministère.
  • Il faut avoir monsieur relation qui possède pas mal de contact à l’intérieur et à l’extérieur du pays avec de belles références et des appuis solides.
  • Il faut avoir monsieur communication qui va gérer la manière et les moyens de la propagande pour légitimer les actions qui seront prises par le groupe des 7.
  • Il faut aussi monsieur diplomatie, celui qui a beaucoup d’expérience à l’étranger, qui est perçu comme étant une personne de carrure internationale pour s’occuper à rassurer l’occident et en particulier les Etat Unis et la France sur la situation de la Tunisie et particulièrement que la situation est bien maîtrisée.
  • Il faudra aussi avoir un juriste de haut niveau pour percer les failles du système ;

Une fois le groupe des 7 au complet et durant la première semaine après le 14 janvier, la première tâche à laquelle ils vont s’atteler est de confirmer monsieur Mebazaa comme président par intérim et monsieur Ghannouchi comme premier ministre ; la première étape est réussie, ils n’ont pas eu beaucoup de problèmes avec l’aide de l’ancienne constitution.

La deuxième étape est de former un gouvernement “Ghannouchi 1” qui peut les aider à calmer le peuple et à protéger leurs intérêts ; pour cela, ils ont commencé par faire le moins de changement possible pour voir la réaction de la rue, et comme prévu, la rue a manifesté un « dégage » aux ministres issus de l’ancien régime, ce qui les a poussé à réagir rapidement avant que la situation ne se complique davantage.

Lors de leur réunion, le groupe des 7 savait qu’ils ne pouvaient plus maintenir des gens qui sont mouillés de prés ou de loin avec l’ancien régime, d’où l’idée de monsieur relations qui propose de mettre des technocrates bien formés qui ont réussi dans le secteur privé, qui n’ont pas de lien direct avec l’ancien régime et auxquels ils peuvent faire confiance. Reste le sujet épineux du ministère de l’intérieur, là ils ont établi une sorte de portrait robot de la personne qu’il faudra mettre ; il faut qu’il soit clean, qui ne soit pas du domaine et surtout quelqu’un qu’ils pourront éjecter facilement plus tard pour incompétence. Suite à ce portrait robot et vu que les messieurs du ministère de l’intérieur n’ont pas une personne qui réponde à ces critères, monsieur le juriste lève la main car il pense avoir trouvé la bonne personne pour ce poste qui n’est autre que Monsieur Rajhi.

Le groupe des 7 pense cette fois que le gouvernement mis en place répond bien aux attentes du peuple et aux intérêts du groupe, suite à ça les choses commencent à s’améliorer, monsieur propagande fait du bon travail pour enraciner l’idée que tout va mal, que les seuls coupables de ces 23 dernières années étaient Ben Ali et les Trabelsi, que les futurs coupables sont Ennahdha, que l’économie du pays est dans un gouffre (en partie vrai) et que d’une manière générale tous les autres complices du clan étaient des victimes de l’ancien système. J’ai entendu ça durant des mois sur les ondes dans les débats offerts par nos chères chaines Télé et radio.

Pour ce groupe et à la lumière des événements, le gouvernement doit travailler comme travaillent les pompiers dès qu’il y a un incendie, il faut faire vite pour l’éteindre avant qu’il ne se propage (ce qui a provoqué des erreurs très graves sur certains dossiers, mais bon la situation est difficile, ils pensent que plus tard ils pourront reouvrir ces dossiers) ; au bout d’un moment, le groupe des 7 à compris que cette manière de faire du gouvernement n’est plus tenable, en plus Ghannouchi est de plus en plus contesté par le peuple, le sit-in de kasbha2 prend de l’ampleur, la situation en Lybie dégénère, la situation dans plusieurs villes du pays reste très instable et la goutte d’eau qui fait déborder le vase vient de la nomination des gouverneurs ; les affrontements reviennent, le mal aise est généralisé, en plus les cadres du ministère de l’intérieur sont très mécontents des décisions prises par le ministre. Monsieur “Tartour” comme il le dit lui-même met son nez dans des affaires très compromettantes, sa manière de gérer déplait, ses initiatives et les décisions qu’il prend sont à l’encontre de plusieurs hauts responsables du ministère et par-dessus tout cet homme devient très populaire, le peuple le soutient et lui donne sa confiance.

Le groupe des 7 décide une réunion d’urgence, le mot d’ordre est de trouver la personne qui peut les sortir de cet impasse, un poids lourd de la politique qui a le charisme et l’enterloupe nécessaire pour reprendre la situation en main, de faire partir ceux qui n’ont pas assuré le rôle qu’on leur a confié, en particulier les soit disant opposants du gouvernement “Ghannouchi” et surtout monsieur Rajhi qui est devenu très indésirable dans le ministère des magouilles et de la répression.

Je ne sais pas s’il avait des listings pour les personnes qui peuvent répondre à ces critères, le fait est que monsieur Béji Caïed Essebsi (BCE) gagne la partie même avec son âge avancé de 85 ans.

Monsieur manitou prend alors l’affaire en charge et commence les négociations avec BCE, une fois une entente est trouvée, ce qui n’était pas difficile pour le convaincre vu que c’est un vrai politicien et qu’il a toujours rêvé d’être le premier des ministres.

Maintenant l’affaire est dans le sac, BCE est nommé et au bout de quelques jours il fait son premier discours d’une manière très politicienne, ce qui est nouveau pour une majorité des Tunisiens. Il arrive à séduire une bonne partie de la population, en particulier celle hésitante qui veut que les choses reviennent à la normale, celle aussi qui a connu l’époque de Bourguiba et ses beaux discours.

BCE attend le bon moment pour éjecter M. Rajhi comme prévu du ministère de l’intérieur d’une manière élégante sans que cela fasse de bruit, cela ne prend pas beaucoup de temps vu qu’il se trouve dès les premiers jours dans une position de force avec sa détermination de rétablir l’aura de l’état. Durant cette période du gouvernement BCE rien n’avance réellement, ni le travail du gouvernement ni celui des commissions mais le gouvernement arrive quand même à garder le cap et à bien maintenir la barque.

Le groupe des 7 croit au succès de sa stratégie, il se concentre sur l’essentiel c’est-à-dire le chemin qui mène au pouvoir, celui des élections du 24 juillet ; le terrain politique est rempli de partis politique, ça aide la théorie de diviser pour régner qui est la meilleure façon de gagner. Ils commencent à tâter le terrain, à influer sur certaines personnes sans pour autant se découvrir, le moment voulu ils miseront sur le cheval gagnant, ils sont sûrs d’eux et savent que plus rien ne va les arrêter.

Sauf que M. Rajhi lors de son passage ministériel, a pu voir et entendre certaines choses compromettantes, le ministère de l’intérieur regorge de dossiers pourris, de magouilles, d’alliances ce qui a fait que M. Rajhi est resté sous contrôle, sous écoute, à un moment, il s’est senti en danger alors la seule solution qui lui restait été de balancer certaines personnes pour se protéger, quitte à créer une situation dont personne ne pourra connaître les conséquences ; cela le protège d’un côté par ce qu’il devient intouchable “physiquement”, et deuxièmement il croit au fond de lui dans cette révolution, au soutien du peuple et surtout que si monsieur manitou est hors du jeu, les cartes seront à nouveau redistribués, en espérant que cette fois là, elles atterriront dans de bonnes mains.

Aujourd’hui le groupe des 7 est déstabilisé en vue de l’évolution de la situation, les questions du jour sont, est-ce qu’il faut lâcher monsieur manitou ? Qui pourra le remplacer ? Quelle stratégie adopter pour contrer M. Rajhi et le décrédibiliser ? Quelles actions monsieur BCE et son gouvernement devront prendre pour reprendre la main et assurer la transition ? Comment effacer encore plus la mémoire du passé « d’avant 14 janvier » pour assurer un futur radieux et surtout quels sont les points non négociables pour cette nouvelle démocratie, la ligne rouge qu’il ne faut jamais franchir.

Mes chers concitoyens, aujourd’hui nous ne savons pas si cette histoire est la réalité ou une fiction, par contre ce qui est sûr c’est que cette histoire n’est pas encore finie, la fin dépendra de nous, de nos actions, de nos réactions et de notre volonté à vouloir un pays libre. Les jours à venir seront difficiles pour nous tous, par contre si on réfléchit bien à notre jeunesse, à nos martyrs, à nos enfants et aux nouvelles générations, on se dit qu’ils le valent bien et que se battre aujourd’hui pour faire réussir cette révolution est le minimum qu’on puisse faire. Je vous dis à tous, nous n’avons pas maîtrisé notre passé, nous arriverons à maîtriser notre avenir, alors tous ensemble pour libérer notre pays et sauver le soldat Rajhi.

Vive la Tunisie Libre et Démocratique