Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Le peuple a une soif de réussite et de réalisation. Personne n’a le droit de l’en priver ! Au nom de quel dogme, de théorie ou approche allons-nous continuer à subir la chape de plomb qui plane sur la tête du peuple. Ça fait maintenant presque cinq mois que Ben Ali est parti, un grand soulagement et sans un bain de sang. Nous ne pouvons que nous en féliciter. La volonté d’œuvrer pour une transition politique s’est clairement exprimée, et les mesures nécessaires ont été prises pour installer un régime démocratique répondant aux aspirations du peuple. Le parcours paraît clair mais, naturellement, est semé d’entraves. Seulement, le point d’achoppement aujourd’hui, que faisons-nous des ex-RCD ?

La réponse à cette question démontre à quel point le 14 janvier est un mouvement de jeunes spontané et n’a pas été murement réfléchi. La rapidité des événements n’a pas permis d’offrir à l’humanité, jusqu’à maintenant, une vision à la hauteur des espérances du peuple. Le gouvernement et les partis ont été pris de cours et se bornent à baliser le chemin le plus rapide pour faire asseoir une autorité publique, légitime, capable de diriger le pays. Ils sont très loin de vouloir marquer l’Histoire par une grande vision avec un sceau de fierté susceptible de rayonner sur les quatre coins du monde.

Pourtant nous avons largement les moyens de faire mieux et plus. La Tunisie, depuis son indépendance, comme tous les pays arabo-musulmans, a vécu sous le joug des autocrates. Le régime s’appuyait sur un parti unique pour mettre en place tout un système clientéliste. Tout est noyauté à un point indescriptible. Tout est savamment organisé pour obéir au doigt et à l’œil aux desiratas du Chef. Des exactions, des dépassements, des spoliations, des violations… de tout genre ont été commises. Des personnes ont été impliquées à tous les niveaux des différentes sphères politiques, sécuritaires, administratives… Si le pouvoir en transition ou le futur pouvoir élu voudrait passer sous silence ce qui le pays a vécu pendant toutes ces années, ça ne fera que accroître le niveau de méfiance vis-à-vis du politique. Ça sera interprété, encore une fois, comme une tentative de spolier le peuple de sa volonté de connaître la vérité, son Histoire !

Le Guatemala…le Pérou et l’Afrique du Sud ont réussi à assainir l’ambiance nationale par la mise en place des commissions « de l’éclaircissement historique » ou « de vérité et de la réconciliation ». Pour être au rendez-vous, la Tunisie ne peut pas faire l’économie de cette démarche. C’est indispensable pour expurger les maux, les insinuations… les non-dits de notre vie et passer à un mode de construction du pays. Croire que nous pouvons guérir le mal sans le traiter revient à administrer quelque chose pour faire disparaître le symptôme sans se préoccuper de la source de la maladie. Mais le peuple n’a pas besoin d’un cachet effervescent aujourd’hui !

Sans esprit de vengeance, ni envie de représailles, le peuple a besoin de connaître la vérité pour ne plus avoir à la revivre. Il est important de témoigner, de dire, de s’exprimer… sans être inquiété, sauf pour les crimes de sang. Les personnes qui ont participé à la gloire du régime déchu doivent participer à la mise en lumière des méthodes utilisées. Leur contribution est essentielle pour aider le peuple à passer l’éponge. En échange, ces témoins doivent bénéficier de la protection de la société. De cette manière, ils auront contribué à la réconciliation nationale d’une manière constructive. Cette méthode permet de bâtir une Tunisie forte, débarrassée de sa honte, vidée de son pue et complètement orientée vers son avenir, ouverte au monde sans traîner les plaies du passé.

« Une société dont l’humanité sera fière », comme l’a souhaité Mandela pour l’Afrique du Sud, est tout à fait possible pour la Tunisie et nous devons nous donner les moyens pour la réaliser. Les leaders politiques sont conscients de leur responsabilité et doivent s’y préparer à réunir les conditions pour la réussite de cette réconciliation. C’est notre avenir qui en dépend, c’est notre sécurité qui en jeu ! Rien n’est très beau pour notre pays qui a déclenché la révolution de la dignité. Notre développement dépend de notre capacité à nous unir autour des idéaux immuables. Notre devoir est de mettre la main dans la main pour renforcer le maillon faible, la réconciliation nationale.

Akil Sadkaoui