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Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste tunisien Ennahda. AFP/Odd ANDERSEN

Par Oussama K.

En consultant les sondages réalisés par GSM Tunisie à la fin du mois de Mars et qui concerne le paysage politique de la Tunisie post-révolution, on constate aisément un paradoxe troublant celui du positionnement du leader du mouvement Ennahdha dans les différentes listes affichant les résultats de ce sondage qui semble crédible et logique bien que surprenant. En effet Cheikh Rached se trouve à la tète d’un sondage de notoriété des hommes politiques, d’autres sondages le prouvent puisqu’il est aussi à la tète de plusieurs sondages d’opinions sur les personnages politiques préférés des tunisiens. Ce qui est troublant c’est qu’on retrouve le même Rached Ghannouchi à la tète des personnages qui sont jugés « loin de la réalité » et en bas du classement quand il s’agit de crédibilité (toujours selon le sondage GSM).

Le peuple Tunisien si uni en période de révolution et qui a crié « Dégage » d’une seule voix contre l’ennemi commun ZABA qui, en dépit de ses défauts interminables, a une qualité insoupçonnée celle d’avoir rassemblé tout un peuple contre sa tyrannie. Plus question de se voiler la face, Ces sondages ont permis de dévoiler un triste constat que les médias n’osent toujours pas aborder : Celui de la division du peuple Tunisien en pro Ghannouchi et anti Ghannouchi. Les manifestations islamistes et celles pour la laïcité ne sont qu’un reflet signifiant de cette disparité. Coté partis, on sent aussi cette division qui se fait petit à petit avec des alliances de certains partis contre l’intégrisme et l’islamisation de la politique ou plus explicitement contre Ennahdha et son leader Cheikh Rached.

Cette division risque de devenir encore plus signifiante et dangereuse lorsque commencera la lutte sans merci pour les sièges de l’assemblée constituante et que les partis se lanceront des fléches enflammées et des coups bas. Il est sans omettre de signaler le climat d’ignorance mutuelle qui règne entre ces deux camps : Les pros Ghannouchi croient les antis des mécréants qui veulent bannir la religion et ses pratiquants (ou du moins ce qu’ils veulent croire et faire croire) alors que les antis pensent que les partisans d’Ennahdha sont des ignorants attirés par les croyances religieuses et manipulés par de dangereux terroristes salafistes (ce qui n’est pas du tout le cas)… cette méconnaissance de l’autre est le fruit d’une politique d’Ennahdha qui se retrouve dans l’obligation de faire durer le doute et en bénéficier par la même occasion, en effet la stratégie adoptée par les dirigeants du mouvement islamiste est celle des étapes : rentrer dans le moule de la démocratie et de ce que veulent à la fois la majorité du peuple et les aspirations égoïstes des gouvernements occidentaux pour se faire accepter au niveau social et législatif, séduire par tout les moyens le maximum de l’électorat et gagner une majorité qui leur permettra de gouverner (et c’est très légitime pour un parti politique), puis adopter la Chariaa telle que leur courant idéologique la conçoit en procédant par une iranisation de la Tunisie grâce à la dictature de la majorité dont il cherchent à utiliser une fois souverains.

Or, cette politique pose problème au sein même du parti. Comment convaincre des militants croyants et fideles envers Dieu qu’il faut commencer par accepter la monogamie, ne pas couper les mains de voleurs, diriger un pays dont le budget dépend fortement du tourisme (synonyme d’alcool, nudité et sexe) et autres activités contraires aux fondements de l’Islam pour lequel ils sont dévoués…

Le sujet de la vente d’alcool, souvent caricaturé et banalisé, résume le dilemme qui se propose au sein du parti qui se veut islamiste et protecteur des valeurs musulmanes dont il fait son principal et pour le moment unique atout : Si Ennahdha va introduire l’intention d’interdire la commercialisation et la consommation d’alcool dans son programme, ils risquent de choquer les gens qui peuvent y voir de l’oppression et une atteinte à la liberté du citoyen. Alors que dans le cas contraire, leur programme perdrait son atout majeur qui est l’application des règles de l’Islam dont ils se disent fidèles, car un gouvernement qui se dit islamiste ne peut bâtir un pays avec l’argent de l’alcool (Taxes très importantes) et du tourisme qui sont étroitement liés ça n’aurait aucun sens.

Revenons au Cheikh Rached Ghannouchi, dans une interview sur les ondes de Shems FM, l’homme a paru usé, malhabile, dépassé et dans certains passages coléreux. Il esquivait les questions d’une manière peu ou pas habile, ce qui a provoqué l’indignation des intervenants qui lui ont tous fait la remarque et l’ont gêné par leurs questions car d’un coté il voulait passer pour un modéré et donc ne pas choquer et d’un autre coté il savait que ses fidèles écoutaient attentivement et qu’il ne fallait pas les décevoir en lâchant quelques principes.

Il semble dépassé par une Tunisie qui a clairement changé en 20 ans d’exil, il a passé trop d’années loin du pays qu’il cherche aujourd’hui à gouverner, De Paris à la Syrie en passant par Égypte sans oublier une vingtaine d’années à Londres… Même lorsqu’il parle de son enfance des hurlements des loups et de l’aboiement des chiens au couché du soleil, il n’arrive pas à plaire ni à se montrer intéressant. L’exemple turc qu’il n’arrête pas de vanter est loin de ressembler à notre Tunisie, car la Turquie n’est pas un régime islamiste mais plutôt un régime laïc gouverné en majorité par des musulmans modérés de l’AKP (avec l’armée aux aguets) ce qui est loin d’être l’objectif d’Ennahdha. Il se contredit en disant opter pour l’égalité des sexes et favoriser les hommes en ce qui concerne l’emploie.

Comment un homme qui semble n’être que l’ombre de lui même a-t-il réussit à attirer autant de partisans et sympathisants. Pour Connaitre Cheikh Rached tout en étant Tunisien il faut avoir plus de 40 ans car Ben Ali a précipité son exil il y a 20 ans, suite à sa soi-disant implication dans des activités terroristes pour le régime ZABA et de désobéissance civile pour les militants de cette triste époque et qui méritent qu’on les mette au clair pour connaitre ce que va être la réaction d’Ennahdha si ils perdent les élections.

Comment des jeunes se sont retrouvés à idolâtrer un Leader mythique qu’ils ignoraient totalement avant le 14 janvier. Ceci s’explique peut être par l’amalgame entre politique et religion, qui fait que les choix politiques se fassent par inspirations religieuses ce qui fausse la donne car on croit choisir une religion et non un parti politique au détriment des autres, alors qu’on est tous musulmans et qu’on ne votera que des partis politiques.