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Par Amjad Ghazi

Vous venez sur Nawaat pour vous exprimer et c’est bien votre droit, un droit assuré à tous, comme vous le constatez. Mais vous venez aussi pour dire que vous n’avez rien sur à vous reprocher, pour vos défausser sur les autres et, en passant, donner des leçons de correction et de déontologie journalistique. On peut, à la rigueur, comprendre votre défense contorsionnée, il n’est jamais trop tard pour se refaire une virginité. La comprendre pour ce qu’elle est. Mais pour les leçons, non Monsieur ! Pas vous. En la matière, vous devriez vous taire et vous confondre à l’ombre de vos maîtres qui, peu à peu, disparaissent.

Nul besoin de reparler de l’affaire de M. Ahmed Ben Mustapha, Nawaat a publié votre texte, et tout le monde peut constater que vous vous êtes comporté comme des auxiliaires de procureur, un procureur de Ben Ali, instruisant toujours à charge. L’investigation, la vérification et toutes ces choses qui sont le travail et l’honneur du journalisme… roupie de sansonnet que tout cela, n’est-ce pas Monsieur, le Directeur ?

Ce n’est pas la peine non plus de remonter bien loin dans l’histoire de vos publications, d’autant que, n’écoutant que votre insigne courage, vous vous êtes dépêché de purger vos archives, en le claironnant en plus, pour mieux brouiller les pistes. Depuis quelques semaines, certaines officines font la même chose que vous. Loin des regards et en silence. Ils doivent conserver quelque poussière de dignité.

Je m’arrêterai, un instant, avec des haut-le-cœur, sur ce que vous avez écrit, le 7 février dernier, pendant que les mercenaires de vos maîtres et amis tentaient de mettre le pays à feu et à sang. Sous le titre « Dérapages gouvernementaux trop risqués », vous avez longuement disserté sur ce que la rue arrachait de haute lutte, à vos maîtres, en traînant dans la boue des hommes et des femmes qui menaient le plus juste des combats.

Ainsi avez-vous osé parler de «volonté populiste de changer un gouvernement fraichement nommé» ! Populiste, Monsieur des dictateurs et de leurs valets, qui vous nourrissiez de leurs miettes, et en bout de table, pour les plus fastes de vos jours, populiste venant de vous, est un insigne hommage. Beaucoup d’autres ont écrit plus justement, pour les faits et pour la langue, simplement, populaire. Et puis, il faut avoir le nez franchement bouché ou dans sa glande uropygienne de plumitif posté, pour trouver une quelconque fraîcheur à un ramassis de repris du RCD !

Vous tenez pour horreur absolue que des femmes et des hommes réclament et obtiennent le départ de sinistres ministres –vos donneurs d’ordre, de toujours-, exécutants de basses œuvres, auteurs de forfaitures et de détournements multiples, dont certains, tortionnaires de profession et de vocation sont recherchés par Interpol et d’autres dans le couloir de leur juge. C’est votre droit, et, dans la morale de la pègre, cela s’appelle fidélité.

Vous criez au scandale lorsque des populations longtemps maintenues en quasi-esclavage par des potentats locaux -avec votre complicité, d’ailleurs- trouvent suffisamment de force et de détermination pour chasser des gouverneurs corrompus jusqu’à la moelle et exiger et obtenir leur remplacement par d’autres qui n’auraient pas des mains aussi sales.

Vous pleurez sur le sort de certains PDG, négriers des temps modernes, qui ont démissionné, et démissionnent encore, pour fuir qui le pays qui ses responsabilités et la justice –un peu comme vous le faites, pour les responsabilités-, et d’autres, fâchés définitivement avec l’honneur, que l’on congédie comme des malpropres -ce qu’ils sont en vérité. Solidarité de grands et de petits porteurs de portefeuilles et de valises.

Vous parlez des revendications sociales qui, pour vous, se résument à l’augmentation de salaire. Vous, vous êtes-vous seulement demandé sur l’origine de cette manœuvre ourdie par les vôtres, afin de généraliser le chaos que répandaient, par ailleurs et par la terreur, les bandes armées de vos maîtres ? Si dans les hautes sphères des syndicats, certains -des vôtres- vous ont emboité le pas, y a-t-il là quelque mystère ? Le moment du dévoilement est approche, sauriez-vous les défendre ?

Ne reculant devant rien, vous osez cette diarrhée verbale, votre nourriture quotidienne, et toutes vos prières : «Avant le 14-Janvier, on avait un peuple de béni oui-oui. Après le 14-Janvier, c’est un gouvernement de béni oui-oui que nous avons. Vive la révolution, vive le peuple, vive la volonté du peuple ! Chacun s’amuse comme il peut, et plus on est de fous, mieux c’est.»


De l’audace ! toujours de l’audace ! comme chez les mondaines appointées !

Béni oui-oui“, écrivez-vous ? quelle extrême élégance de style… colonial ! Ainsi parlaient vos anciens pères qui sont partis dans la poubelle de l’Histoire.

Béni oui-oui“, Monsieur le salaud, est une infamie radicale ; c’est les bougnoules de jadis, des paras et des colons, ceux qui, comme vous, faisaient dans le beau style et avaient du lexique, un lexique pourri qui va des Fatma au Bled en passant par fissa, saloperies qu’ils aboyaient, le fusil à la main.

Savez-vous de quel lieu vous parlez ? Savez-vous ce que vous transportez dans ce qui vous sert de bouche ?

Je conçois tout à fait que des cris vivifiants tels que Vive la Révolution, Vive le peuple… vous écorchent les oreilles, Monsieur de la Distinction, ou vous mettent au bord de l’apoplexie. Je conçois aussi que vous preniez les revendications d’un peuple qui tente de prendre en main son destin comme une vaste récréation, une bonne blague, n’est-ce pas, et un soufflet qui ne tardera pas à retomber. Mais pourquoi assimilez-vous donc ce peuple que vous méprisez, d’un trait de plume, à ceux de la claque, aux danseuses galantes, aux autres vous-mêmes, ceux du RCD et de ses satellites qui, de la cave au grenier, applaudissaient à tout rompre, au moindre borborygme de votre Führer ?

Ceux qui ont lutté, ceux qui luttent, ceux qui sont morts dans les prisons, ceux qui sont morts sous les balles, sur le seuil de la liberté, ceux qui ont perdu la raison dans les geôles de vos maîtres, ou en sont sortis à jamais brisés… Ceux-là, Monsieur le cireur de pompes, n’ont jamais dit « oui » à vos maîtres, et encore moins à vos crédos. Et, tout le monde sait qu’ils sont très nombreux, qu’ils sont, et de loin ! le plus grand nombre. Tout le monde, sauf vous et vos maîtres et vos semblables.

Mais vous allez plus loin encore : Parlant des hommes de mains de l’ancien régime vous notez ceci : « Mais ces 2000-3000 individus, aussi armés soient-ils, ne sont pas les plus dangereux et ne sauraient menacer une volonté de plusieurs millions de citoyens sincères. Les plus dangereux, ce sont nous autres les citoyens.
» Puis vous passez à l’énumération de ces « bandits redoutables » : « squatteurs de maisons de la SNIT », « personnels, précaires, qui observent des grèves sauvages pour obtenir des avantages auxquels ils n’ont aucun droit », « syndicalistes qui agressent des PDG, les poussant à quitter les lieux, voire à présenter leur démission »

Commenter cela est fastidieux et une perte de temps. Ceci cependant, ce « nous » licencieux, intempestif et incongru, comme il a dû vous coûter ! et quel arrachement ! Et dire que, pour la création entière, il ne vaut pas un clou !

Monsieur, le clavier de son maître, le tout en minuscule, après le 14 janvier, on croyait la presse mercenaire à jamais muette, peut-être enterrée, et rangées ses brosses à reluire. Votre B. N. continue cependant. Vous pensez peut-être l’adapter à vos combats d’arrière-garde. Brouillages Nauséeux, est-ce votre nouveau label ?

Amjad Ghazi
Le 7 mars 2011