Aux militants de l’UGTT d’accompagner plus avant le peuple, et lui donner plus nettement la réplique : faire leur Révolution.

S’agissant d’une organisation de plus en plus décriée, au bilan fort contrasté, dans ses chapitres connus–qu’il urge d’ailleurs de faire plus amplement-, considérant surtout que le bénalisme, comme un certain bourguibisme d’antan, a gangréné depuis fort longtemps ses rouages, après s’être agrégé ses centres de décisions, dont il imposait les membres, les remplaçait, les gratifiait même, cette Révolution dans la Révolution est une priorité, une urgence.

Quel est en effet, et pour ne parler que de la période la plus récente, le bilan des dirigeants actuels de l’UGTT dans le dossier du chômage de masse, des jeunes et des moins jeunes, ce drame absolu du pays ?

Quelles sont leurs propositions, leurs actions concrètes quant aux chômeurs qui ont été et qui sont moteur, à la fois, et combustible de la Révolution, et qui se sentent, à Gafsa, à Kasserine, Sidi Bouzid et ailleurs, et à juste titre, frustrés de leur victoire ?

Le fait de n’avoir pas éclaté, dans ces séismes salutaires qui secouent le pays, n’est pas à mettre au compte de cette direction nationale qui, apprivoisée par le sérail, dans le sérail, a continué de couler des jours tranquilles, et bien prospères pour certains. C’est grâce aux militants sur le terrain et aux cadres intermédiaires, conscients et responsables, que les critiques ont été mises en sourdine, les controverses et règlements de compte passés au second plan.

C’est aussi grâce à la trouille des gouvernements éphémères de M. Ghannouchi, se sachant illégitimes et en veine de respectabilité.

Alliance objective, en dépit de quelques désaccords et froncements de sourcils. Comme avant. Comme toujours. Partage bien huilé des rôles et des fonctions, celui-ci gouverne, celui-là canalise, quand l’un allume l’incendie, l’autre s’active pour l’éteindre.

Il est temps d’ouvrir les dossiers au grand air, de parler ouvertement, de dire clairement, par exemple, pourquoi avoir lancé les militants sur des revendications catégorielles, alors que l’urgence absolue était de toute autre nature : s’occuper des chômeurs dans les régions, en dépit d’impérieuses raisons de justice sociale qui s’imposaient et de considérations morales, plus qu’évidentes.

Ce n’est que l’un des dossiers.

A l’UGTT, comme ailleurs, plus qu’ailleurs, au vu des échéances déterminantes qui s’annoncent, il faut ; répétons-le, faire le bilan de toutes ces dernières années, au vu et au su de tout le monde, tirer les enseignements et s’orienter autrement. Le plus rapidement possible.

Un congrès extraordinaire n’est pas un luxe pour accompagner les mutations importantes de notre société. Une UGTT rénovée, à la hauteur des ambitions de ce peuple, les rendraient assurément profondes et durables. Quelle meilleure garantie pour la démocratie à venir ? Les derniers développements sur la scène politique, l’apaisement social qui se dessine lui assure un climat favorable.

Il permettra à l’Union de repartir sur des bases saines, pour le plus grand bien du peuple, ses travailleurs comme ses chômeurs. La prétendue non-urgence de la réforme de l’Union, à cause des désordres que connaît le pays, n’est plus recevable. Et puis, une Révolution, pour réussir, doit avancer rapidement sur les fronts les plus vitaux ; celui de la représentation et de l’action syndicales n’est pas des moindres. Clarifier les choses est désormais une urgence.

Cela permettra de préserver l’unité, de faire taire critiques et détracteurs, de stopper les menées de ceux qui rêvent du démantèlement de cette institution, la plus reconnue et qui pourrait à moindre frais devenir la plus représentative, pour l’instauration, au nom d’une pseudo-diversité, de petits syndicats-maisons inféodés au patronat.

Cela incitera, par ricochet, à davantage d’union dans la nébuleuse des partis qui se réclament de la démocratie. Ceux-ci offrent en effet le spectacle d’un émiettement qui, sans ressaisissement immédiat, sans réorientation rapide, permettra le retour des mêmes ercédistes, déguisés sous d’autres appellations, ou en alliance avec les forces les plus obscures.