Ahmed Nejib Chebbi. Crédit: www.europa451.es

Chronique du ministre Développement régional et local

En acceptant tôt, dès le 17 janvier, un portefeuille ministériel au sein du 1er gouvernement de l’après Ben Ali, Mr Chebbi, leader du Parti démocrate progressiste ( PDP), est passé du statut d’une figure de proue de l’Opposition à une cible privilégiée de critiques bien orchestrées et montées crescendo au fil des jours et des événements.

Son entrée au gouvernement “d’unité nationale” du premier ministre désigné n’était qu’une formalité; l’homme y était favorable sinon l’instigateur. Une idée qu’il défendra jusqu’au bout contre vents et marrées car, selon lui, c’est l’issue pacifique, dans la légalité constitutionnelle, qui mènera le pays à la démocratie mais cette ligne politique ira fatalement à sa chute quarante trois jours après.

Son crédit de militant démocratique, d’opposant “farouche” aux dictateurs et sa crédibilité se réduisaient, coup sur coup, comme une peau de chagrin dans une chronologie sanglante et souvent chaotique.

Au lendemain de la proclamation du gouvernement Ghannouchi 1, Mr Chebbi commet un premier “couac”. Il a tourné le dos au “moment révolutionnaire”. Il n’a pas su le saisir, canaliser son flux de demande social, écouter la voix des sans-voix condamnés à se taire pendant plus de cinquante ans, couper le cordon ombilical reliant le pays à l’ancien régime et expliquer de façon pédagogique le programme du gouvernement. Mr Chebbi s’est comporté en ministre… Sinon comment expliquer qu’au moment où la rue ou même une “minorité”, à ses dires, agissante s’insurge exigeant le départ des caciques de l’ère Ben Ali, Mr Chebbi les défend??!! Résultat immédiat: son capital-confiance diminue, son intégrité mise à rude épreuve et est, désormais, vulnérable aux critiques de ses détracteurs.

Mais son erreur “fatale” est incontestablement sa position intransigeante, alignée sur la légalité constitutionnelle (article 57), envers le Conseil de la Protection de la Révolution qui se réclame de la légitimité révolutionnaire en s’auto adjugeant des prérogatives à la fois législatives, exécutives et juridiques, une sorte de parlement, non élu, et qui exige un droit de regard sur le gouvernement transitoire. Mr Chebbi s’y oppose. Un bras de fer s’engage. De nouveau, la Kasbah vit un Sit-in plus déterminé que jamais car plus organisé et bien appuyé. En face, la médiocrité de la prestation d’un gouvernement trop hésitant, manquant d’initiatives et souffrant d’un énorme déficit dans sa communication. Ce qui n’arrange pas les affaires du ministre du Développement régional et local. Le vent souffle, désormais, du côté de ceux qui réclament une nouvelle constitution, une deuxième république !! La preuve par les chiffres : plus de 100000, selon la police, manifestent contre le gouvernement un Vendredi, tout un signe, … Les événements sanglants du week-end (26 et 27 Février) précipitent la chute du gouvernement. Mr Ghannouchi jette l’éponge.

Mr Chebbi fera de la résistance mais le coup “fatal” lui parviendra le 1er Mars en lui demandant de choisir : un poste ministériel ou le suffrage universel !!! C’est le nouveau premier ministre qui lui fait cette offre. Mr Béji Kaid Sebsi venait tout juste de s’entretenir avec le Secrétaire Général de l’UGTT, la puissante organisation syndicale voire le parti “politique” le plus influent !!! Mr Chebbi subit sa loi, l’onde de choc touche son parti aux cris de “Dégage !!!” et “Chebbi et Brahim ont trahi le sang du martyr !!!”.

L’expérience est, certes, douloureuse et les stigmates des “préjudices” ne s’effaceront pas de sitôt mais Mr Chebbi les assumera. C’est son destin depuis plus de quarante ans, de toute une vie.

A ceux qui lui reprochent son acharnement au pouvoir, je leur dirai que nul besoin de le démontrer, Mr Chebbi est un homme politique qui pense tous les jours en se rasant au pouvoir.

Les gouvernements Ghannouchi 1 et 2 tombent sous le poids de protestations populaires massives. Les adeptes du passage à un régime démocratique avec la constitution de 1959 ont échoué. Mr Chebbi a perdu un pari, une bataille…

Aujourd’hui, la feuille de route politique est tracée : le Peuple veut une assemblée Nationale Constituante. L’heure est, désormais, à la politique politicienne, aux programmes électoraux et aux projets de l’avenir du pays mais aussi aux alliances, aux “appels du pied”…

Comment se positionnera le PDP de Mr Chebbi sur l’échiquier politique? Réussira-t-il à faire redistribuer les cartes? Reconquerra-t-il un électorat déçu voir hostile? Affaire à suivre …