Manifestation hostile aux juifs et à l''État d'Israël devant la synagogue de Tunis le 11 février 2011.

C’est une arme létale, extrêmement redoutable entre les mains de ceux qui n’ont plus aucune morale, ceux qui ont perdu tous sens de l’humanité et de la citoyenneté, ceux qui ont vendu leurs âmes au diable, ceux qui n’ont plus rien à perdre et sont prêts à tuer pour régner, ceux qui n’osent plus se montrer autrement que derrière le masque de ceux qu’ils veulent discréditer, de ceux qu’ils veulent sacrifier dans le temple de la démocratie.

Les circonstances du meurtre du prêtre polonais à la Manouba, rappellent, ô combien regrettables, celles de l’assassinat des 7 moines de Tibhirine en Algérie, en Mars 1996, alors que ce pays était en proie à une guerre fratricide sans précédent. Longtemps présenté comme l’apanage du Groupe Islamique Armé (GIA), bras armé du Front Islamique du Salut (FIS), ce crime serait très probablement, selon la nouvelle thèse, une manipulation des services secrets algériens, visant à faire porter la responsabilité aux islamistes, au pire des cas, ce serait une bavure de l’armée algérienne, obligée ensuite à décapiter les moines pour faire croire à un assassinat commis par les terroristes islamistes (voir Wikipédia : assassinat des moines de Tibhirine).

Ce meurtre nous renvoie également, avec beaucoup de sueurs froides, à une époque de la Tunisie sous Ben Ali qu’on voudrait bien refouler au fin fond de notre subconscient. Ça s’est passé en 1991, à Bab Souika, quand une poignée de criminels ont attaqué le local du Comité de coordination du RCD, ont ligoté le gardien, l’ont aspergé d’essence et l’on brûlé vif. Ce crime odieux a été rapidement attribué aux islamistes d’Ennahdha, dans une orchestration médiatique abjecte, suivie d’un procès expéditif et loufoque et débouchant, entre-autres, sur cinq condamnations à mort dont trois au moins ont été exécutées un peu plus tard dans la même année.

Trop facile, trop débile

Pourquoi, nous dirait-on, est-ce que des informations rapportant que des manifestants scandant « Allahou Akbar » en voulant fermer une maison close à Tunis ville, ou bien une manifestation sous des drapeaux noirs de « La Ilaha Illa Allah Mohammadoun Rasouloullah » se déroulant devant une synagogue, ou alors le meurtre d’un prêtre égorgé à la Manouba, ne devraient-elles pas évoquer chez nous une peur bleue d’un retour du fanatisme religieux en Tunisie, n’est-ce pas là des preuves accablantes de ce retour de vagues tant redouté par la société tunisienne ? Je n’en suis pas personnellement certain.
D’abord parce que c’est trop direct, parce qu’encore une fois, ça sent la manipulation expéditive, parce que balancer des indices de condamnation grossiers en pleine figure des observateurs, désormais avertis, est franchement douteux, parce que les pierres sont jetées aux lapidés très prématurément, parce que ça me rappelle tout simplement un passeport au nom de Mohamed EL ATTA, un manuel de pilotage d’avions et une copie du Coran, retrouvés intacts, le 11 septembre 2001 à Manhattan, sous 50 cm de poussière aux pieds des deux tours jumelles littéralement désintégrées !!!

Parce qu’ensuite j’ai beaucoup de mal à croire, que les mouvements islamistes tunisiens, du plus radical au plus modéré, avec toutes leurs théories, et non des moindres, sur le dialogue social et civilisationnel, avec leur ouverture, toutes ces dernières années, sur les grandes démocraties du monde, au moment où la société tunisienne vivait un moratoire politique et culturel, avec leur discipline exemplaire et tous les sacrifices qu’ils ont donné, sans retour, pour les libertés en Tunisie, j’ai du mal à croire, que ces mouvements n’ont aujourd’hui que ces actions de bas échelle à déployer comme projet de société à leurs frères et sœurs tunisiens.

Parce qu’enfin, je ne pense pas que le parti ETTAHRIR qu’on désigne du doigt avec fébrilité comme l’auteur de ces opérations, à supposer qu’il existe déjà, ait un quelconque intérêt à ressurgir, après de longues années d’hibernation, sous ce visage ténébreux, aujourd’hui où il pourrait plus que jamais, respirer la liberté et s’exprimer dans toute la légalité. Pourquoi, aujourd’hui, au moment où les choses commençaient à se calmer, est-ce que ces gens là seraient-ils épris d’une soudaine envie de s’attaquer à des proies faciles, alors qu’ils pouvaient toujours le faire auparavant ?

Faits divers ou stratégie de guerre

En revanche, en quoi est-ce que ces opérations de diversion, finalement démystifiées, sont-elles réellement à craindre ? Il est vrai que bon nombre de gens que l’on connait bien, ou que l’on rencontre le temps d’un café, que l’on lit sur les réseaux sociaux et que l’on écoute sur les médias, sont si avertis et clairvoyants qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Il est vrai que les brefs messages sur twitter ou les séquences vidéo éphémères sur facebook, sont de nature plutôt rassurante quant à l’analyse authentique des faits. Toutefois, il n’est pas moins vrai que ces opérations semblent procéder d’une logique de guerre bien réfléchie, et présagent, à mon sens, une suite d’évènements beaucoup moins inoffensifs.

Il ne faut pas croire que le ou les criminels ignobles qui ont osé égorger de sang froid ce pauvre prêtre innocent, aient agi de leur propre initiative. Les stratèges derrière ces opérations, ne sont pas aussi naïfs qu’on pourrait le supposer, et il n’est pas du tout prudent de sous-estimer leurs stratagèmes et leurs actions. Ces scénarios truffés d’indices, a priori, maladroitement exposés, et ces actes, au demeurant, d’une gravité somme toute modérée, ne sont en fait que des signes annonciateurs d’une vaste opération extrêmement tragique, qui sera très fortement orchestrée et relayée par les médias, de manière à la présenter comme un corollaire, définitivement établi, des faits qui l’ont précédé, et dont plusieurs personnes, myopes, auraient malencontreusement sous-estimé la menace auparavant !!!

Tous les scénarios épouvantables sont possibles, cependant, je crois qu’il s’agira vraisemblablement d’une explosion dévastatrice, qui aura lieu au moment où l’on s’attendrait le moins, et au beau milieu d’un grand rassemblement de personnes totalement inconscientes du danger. L’on prendra soin de présenter, rapidement, aux médias quelques indices particuliers qu’on aura retrouvé sur la scène du drame et qui rappelleraient, irrémédiablement, la même signature des groupes fanatiques dont ils ont vainement prévenu la population. Un drapeau noir, par exemple, comme ceux qu’on a tous vu et revu sur la vidéo des manifestations devant la synagogue, un plan de situation détaillé de la place du drame annoté de la main du meurtrier et précédé d’un verset coranique sur le « JIHAD », ou alors une lettre d’adieu que le kamikaze aura oublié de remettre à sa famille avant de partir en guerre sainte. Et malgré la légèreté des indices, cette fois-là, le crime aura été tellement odieux que personne n’osera contredire la version officielle, qu’on aura développée très rapidement, sous peine de se retrouver sur la longue liste des traitres de la nation.

Mahmoud Rahmouni