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Un manifestant essayant de se protéger du gaz des bombes lacrymogènes utilisées par les forces de l'ordre. Place de la Kasbah le 28.01.11

Témoignage du Docteur Ben Sassi Sami publié sur Facebook

La Kasbah/ Tunis : Le jour après le remaniement ministériel du 27.01.11, expérience personnelle.

La Kasbah le 28/01/2011: La pire journée hier avec tous les braves bénévoles qui nous ont tous spontanément rejoints à la Kasbah, on a tous failli mourir sous les lacrymogènes et vécu des moments de vraie Guerre mais on va tous bien. L’essentiel est qu’on a sauvé la vie de centaines de personnes du massacre par les Bops à part les actions médicales pures. Merci aux Drs Kenza Mghaieth, Sami Belhareth, Bachar Ben Salah, Slim Ben Salah, Rym Horchani, aux jeunes médecins Wafa Bayouth, RANIA x, Skander Mzah et beaucoup d’autres que j’oublie… Merci aux quelques bénévoles du croissant rouge qui n’étaient pas nombreux pour des raisons que j’ignore, mais qui nous ont aussi beaucoup aidé. Merci à Mr le ministre Sami Zaoui qui était présent à coté, pour son aide morale, il a tout tenté- sans succès- pour nous aider à avoir une tente du croissant rouge sur place, et centraliser l’aide médicale d’urgence: la tente serait arrivée en début d’après midi dans les parages mais aurait été “bloquée” quelque part…

On était en pleine action dans le quartier médical de fortune qu’on avait préparé dés le lendemain de l’arrivée des gens de l’intérieur à la place du gouvernement quand une rumeur de retrait de l’armée et de l’arrivée imminente des Bop a tout à coup circulé! Un mouvement de panique a alors démarré puis une demi heure plus tard, des lacrymogènes ont étés tirés sur la place: Étouffement de toute la population sur place et de nous tous, toute l’équipe de bénévoles, chacun de nous s’est alors mis à courir pour se protéger dans tous les sens, en tirant derrière lui comme il peut, les sacs de poubelles remplis des médicaments récoltés avec les dons des anonymes de tout bords. Certains médecins étaient portés évanouis sur les épaules, moi même je traînais mon sac de médicaments par terre, en étouffant -j’ai un asthme allergique- je n’arrivais plus à ouvrir les yeux pour avancer, brûlé dans le visage et la gorge par les gaz, jusqu’à arriver à l’hôpital Aziza Othmena grâce à l’aide de quelqu’un qui m’a traîné par terre à l’intérieur semi conscient.

Après ces moments de panique, après nous être lavés et calmés, on est allé rassembler les populations réfugiées dans l’hôpital pour les cacher, car le portail des urgences maternité était entrain d’être forcés par une horde de Bop impressionnants d’agressivité, habillés à la “Matrix”… ils ont pu prendre avec eux deux personnes, mais pas les autres car tous cachés en haut en silence…Une heure après, on a pu aller négocier avec les militaires du coté du portail principal de l’hôpital, pour évacuer avec leur protection, toutes les personnes réfugiées, mais la police est intervenue et a foutu la zizanie par leur agressivité verbale et gestuelle, on a re-réussit grâce à tous de retrouver le calme dans une ambiance de tension très élevée: On a négocié grâce à la présence d’un avocat qui était alors arrivé de dehors d’emmener avec la protection de toutes les blouses blanches présentes, une partie des gens à “la maison de l’avocat” en face du palais de la justice pour qu’ils y passent la nuit, et de laisser accompagner une autre partie qui voulait partir immédiatement vers Bab Alioua où il y a les bus vers le sud du pays pour rentrer, sous protection des militaires.

Notre action a réussit tant bien que mal, on les a accompagné en faisant une chaine protectrice main dans la main, et les avocats étaient nombreux pour les y accueillir.

Sur le chemin du retour vers la Kasbah, on a appris qu’il y avait des personnes matraquées par centaines à la station de Bab Alioua! Les cinq médecins bénévoles Seniors avons alors récupéré nos voitures à Bab Ménara et on est parti à Bab Alioua. On y a alors retrouvé les personnes qu’on avait laissé sous la protection des militaires devant l’hôpital: ils avaient été “protégés par les militaires jusqu’au bas de la Kasbah, puis lâchés tous seuls, ils avaient alors été pris en charge par les camions de Bop féroces, qui les ont massacré: Aucun mort, mais une vingtaine de fractures simples ou doubles ou triples à part les blessures profondes, les hématomes etc…Un samu est arrivé, a pris en charge quelques cas des plus urgents, mais dépassé, une seule unité malgré les appels de chacun de nous les médecins présents et le passage de l’info aux médias à disposition personnelle. La SNTRI a mis en place des bus gratuits pour plusieurs destinations et on a distribué tout l’argent récolté jusque là à une grande partie des gens, tous démunis, plusieurs centaines de dinars…Certains d’entre nous ont hébergés chez eux quelques personnes qui habitaient trop loin pour être acheminées immédiatement, surtout les plus jeunes.

J’ai essayé de faire ici une description complète des évènements vécues hier à la Kasbah.

Mais je vais enfin finir par une expérience encore plus grave que tout ça -vécue par un jeune bénévole, fils de l’un des médecins avec nous,participant à l’aide médicale sur place: après notre dispersion par les gaz, ce jeune homme Md BS de 19 ans? s’est caché -paralysé par la peur- sur place sous une couverture là où on avait rassemblé les médicaments à coté du ministère des finances sur la place. Une fois la place vide, il a vu une “stafette” noire avec écris dessus CHORTA = police en Arabe, 4 hommes en civil en sont descendus, ils sont montés là où on était, et ont commencé à fouiller la nourriture et les couvertures accumulée pèle mêle, puis ils ont sorti un sac et en ont sortit des petits paquets de papiers à rouler puis des sachets de drogues type cannabis, qu’ils ont dispersés dans ces amas d’affaires…puis ils ont crié en se tournant vers la place par le balcon: Où SONT LES JOURNALISTES QUI PROTÈGENT CES GENS? Où SONT LES JOURNALISTES? VENEZ VOIR CE QU’ILS FONTS! puis ils sont partis…

Mon avis personnel, pour le moment, je peux me tromper…le gouvernement actuel d’union nationale est en grand danger! Beaucoup voudraient que ça ne marche pas car il servirait à ce qu’on avance vers une vraie construction, mettant en jeu les intérêts de beaucoup de personnes corrompues de l’ancien régime. Je répète ceci n’est que mon avis personnel ainsi que celui d’autres personnes autour de moi, j’espère qu’on ne se trompe pas…