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Par Radhouan Ben-Hamadou,

N’ayant pas eu le privilège d’assister sur place avec les Tunisiens leurs manifestations durant ces dernières semaines du fait d’être immigré au Portugal, je voulais partager avec eux ces quelques pensées … en fait pour se sentir, le peu qu’il soit, complice de cette révolution.

Etant loin, géographiquement, de la scène cela nous donne une tête plus froide et un cœur plus chaud pour analyser le présent et envisager le futur.

Ma première pensée va à tout ceux qui debout depuis des semaines (et autres depuis de années) se sont soulevés pour leur dignité et liberté, des personnes de tout bord et de toutes classes convaincues qu’il valait mieux mourir debout que continuer à vivre à genoux.

Ma seconde pensée va aux autres, aux autres peuples opprimés qui partagent avec les Tunisiens pré-14Janvier cette sensation de frustration, mais je ne peut laisser de croire, que désormais les choses sont toutes autres maintenant, que cette révolution sera plus importante dans sa forme de changer les données géopolitiques que ce que a été par exemple la révolution française.

Désormais les peuples, surtout arabo-musulmans, de part les points communs qu’ils partagent avec les tunisiens, ont la preuve que le peuple est maître de son destin biidhniAllah. Ces peuples vont, tôt plus que tard, rejoindre les Tunisiens sur cette route de la liberté (d’expression, de conscience et de culte), de la consécration de l’état de droit et de l’autonomie politique par rapport à l’extérieur. C’est une route longue, tortueuse, avec des hauts et des bas mais Ô combien digne et béate. Il faudra néanmoins, aller dans la bonne direction dés le début, c’est le premier pas qui déterminera si on va à droite ou à gauche, en avant ou vers l’arrière. Peu importe la vitesse c’est vers où qu’on va, notre azimut, qui doit être notre priorité.

Dans des années, inshallah des mois, on sera ici à commenter la révolution des Égyptiens, après celle des Yéménites, ensuite ça sera le tours des Jordaniens et d’ici quelques années (disons une décennie) le monde arabe, bien sûr Palestine compris, sera le nouveau monde où chacun voudra vivre parceque ça sentira le jasmin, ça sentira la liberté, ça sentira la pureté, la prospérité.

C’est beau ce rêve, néh? Rêve dites-vous ? Mais on n’a pas compris qu’il n’y a plus de rêve, mais oui la VOLONTÉ du peuple.

Ahhh ça va être bien beau de vivre ça, mais n’oublions pas, vaut mieux mourir debout que de vivre á genoux, oui oui, la lute n’est pas finit, une lute globale et multi-facettes.

Une lute pour que notre économie se reprenne. D’ailleurs tout indique que l’économie sortira bien forte avec ces changements, les experts « hum mondiaux » prévoient +2 points de croissance pour la Tunisie une fois débarrassée de la corruption institutionnelle qui la rognait.

Une lute contre l’appropriation politique de ce que le peuple a construit, c’est finalement la démocratie, la vraie, qu’on demande. Mais rappelez vous et rappelez moi si j’oublie, que ce sont les valeurs de la démocratie qui nous sont plus chères que son nom en soi. Garantissons pour nous même la pluralité, la liberté, la justice sociale et l’état de droit ainsi nous bâtiront notre propre démocratie, à la tunisienne bien épicée et non toute fade importée « prête à porter » d’ailleurs.

Une lute contre l’intégrisme, et aussi paradoxal que ça puisse paraître, il faut que les « islamistes » soient des acteurs actifs de la vie politique, car c’est certainement la censure et l’écartement pourraient les pousser (des fois contre leur propre volonté) vers des positions plus radicales et intransigeantes. Ici, soyons très attentifs, disent-ils : sage celui qui apprend des expériences des autres (Algérie, Palestine, Liban, Iraq, …), alors lorsque des supposés actes de terrorisme perpétrés para Al-Qaida du Maghreb Arabe se feront entendre en Tunisie, alors cherchez la CIA dans l’histoire, chercher dans cette histoire les pouvoirs arabes « très démocrates » qui ne voudraient, en aucun cas, que la contagion révolutionnaire les atteignent, chercher dans cette histoire l’ingérence extérieur qui va appeler à envahir la Tunisie car Al-Qaida s’y est installée et que « ça paraît » qu’elle détienne des armes de destruction massive. Hic.

Une lute pour que le peuple se valorise et valorise son appartenance nationale, arabe et musulmane ; tellement de tunisiens se sont dits fiers d’être tunisien durant cette dernière semaine, et nous avons raison de l’être, alors ne perdons pas cette habitude, non pour se sentir supérieur mais pour se sentir investi d’une mission noble, une mission de libérateur, une icône de la liberté à côté de Gandhi, Nelson Mandela, M. Luther King et autres confrères et consoeurs de la résistance pacifique (avec un brin de fermeté) contre l’injustice.

Une lute contre soi-même, ça devrait être la première mais comme elle est moins populiste je la mets à la fin :) une lute contre nos désirs personnels au bénéfice de la communauté, de l’humanité oserais-je dire. Les tunisiens en ont donné une démonstration qui a ébahi bien plus qu’un, moi le premier, par leurs civisme, altruisme et entraide. Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas la peine de se défaire de toute richesse ou de tout profit dans le commerce, non !

mais c’est de ne pas se permettre d’acquérir cette richesse ou ces profits « sur le dos » des autres. Ça sera une guerre très importante et difficile, car les tunisiens se sont habitués ces dernières années, inspirés para leurs élites mafieuses, au dogme du chacun pour soi et chacun au-dessus de la loi. Ça commencera par réapprendre à conduire comme des hommes sur nos routes, croyez moi ça sera difficile mais ça sera une vraie preuve que la page s’est vraiment tournée et que Halima n’est pas revenue à ces vieilles coutumes.

Tunisie, Tunisie, j’aurais tellement aimé être présent le 14 Janvier sur l’Avenue Habib Bourguiba (ahh celui là, il doit tellement se retourner dans sa tombe) pour sentir cette chaleur monter dans l’atmosphère, je n’y était pas je m’excuse ! mais je sais que mon cœur, mes pensées, mes sens et mes prières étaient en syntonie avec ceux des milliers que ce jour ont écrit une page blanche rosâtre dans l’histoire de l’humanité, une première page de bien d’autres, inchallah.

Mais finalement le titre était la Tunisie en 2015, eh bien ça dépendra, ça dépendra de notre lute, la mienne, la tienne, la notre. La Tunisie de 2015 et le monde de 2050, c’est à nous de les faire ne laissons pas le « autres » nous l’imposer.

Radhouan Ben-Hamadou
Université de l’Algarve (Portugal)