Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Depuis jeudi soir, les évènements se succèdent d’une manière très rapide. Les images se succèdent, les infos et rumeurs pleuvent et les démentis sortent aussitôt. Alors, arrêtons ce mouvement de panique de masse et posons les pieds sur terre.

I. Ben Ali est parti vendredi après midi

Ben Ali est parti vendredi après midi sans dire au revoir et le “sérieux” Gannouchi est sorti accompagné du criminel Abdallah Kallel et du “Vieux” Mbazzaa. Il n’a rien dit sur la fuite de Ben Ali, et les coulisses de ce qui s’est passé au palais ne sont pas connues. Il annonce sa prise de fonction de présidence par interim conformément à l’article 56 de la constitution.

Les critiques furent rapides et Gannouchi a annoncé l’article 57 le lendemain (élections dans 45 jours).

Il y a deux explications :

A. Gannouchi, en homme intègre, a voulu donner à la Tunisie le temps de :

1/ stabiliser la situation et tirer les conclusions provisoires des évènements,

2/ de changer les codes électoral, de presse et des associations,

3/ aux partis de travailler sur ces sujets en même temps que se renforcer leurs rangs pour avoir un programme crédible pour une élection équilibrée.

A la suite des critiques sur cet article 56, Gannouchi décide d’accélérer le calendrier et donne pour ces chantiers 60 jours, ce qui suppose un changement bâclé des codes, et des partis qui doivent très rapidement faire leurs programmes et alliances.

B. Gannouchi, en exécutant des ordres de Ben Ali, nous enfume avec de futures pseudo élections. Au début, il cite l’article 56 pour qu’une fois le KO fini, Ben Ali revienne là où il était. Se retrouvant face aux critiques, non internes, mais internationales de l’utilisation de l’article 56, on décide de sacrifier Ben Ali et d’invoquer l’article 57. Les changements sur les codes électoral, de presse et d’associations seront comme d’habitude des changements de forme et un Ben Ali Bis prendra le palais.

II. La situation dans la rue est chaotique.

On parle de bandes organisées qui pillent, détruisent. Armés avec sabres et couteaux et parfois avec des armes de feu. On a eu droit à des images de deux types :

– Des images amateur et de la télé de groupes armés (sans armes de feu) arrêtés pendant le jour en général ;

– De rares images de nuit, et pour ma part des témoignages fiables sur des bagnoles, souvent de bonne facture (des 4*4, pickups, audi…) armés avec des armes à feu, et avec l’Armée nationale qui les pourchasse, y compris avec des hélicoptères et qui tire sur eux.

Le niveau d’organisation des premiers (voitures volées – peu importe la cylindrée), armement faible, circulation en plein jour, laisse à pense que ce sont des pilleurs non organisés et qu’ils ne vont pas tarder à arrêter, vu le niveau d’organisation de nos comités de quartier.

Le niveau d’équipement du deuxième groupe et le fait que l’armée les pourchasse font penser que ce sont des ex-agents de l’intérieur, de la sécurité de Ben Ali et autres groupes liés aux sauvageries de Ben Ali et qui veulent semer le KO pour échapper aux poursuites pénales si la situation s’envenime (ce qui est leur principal objectif). Pour ces groupes, il faut laisser l’armée faire son boulot et que notre organisation dans les quartiers soit vigilante mais n’essaie pas de s’intercepter (pas de rassemblement dans la rue, mais plutôt dans des coins protégés et guetter les déplacements de ces groupes pour les dénoncer).

Personnellement, si ces agents se sont rebellés, c’est que Gannouchi a réellement ordonné qu’on arrête le massacre dès vendredi matin et qu’il s’engage réellement sur le chemin de nos revendications.

Des ex-hommes forts du régime dirigeraient ces nouvelles milices (des hommes mouillés dans les sauvageries). S’ils sont arrêtés, ces milices s’arrêteront. Et de toute façon, ils n’auront bientôt plus de munition et se cacheront alors comme des rats.

L’existence de ces milices laisse à penser que quelque chose a réellement changé dans le paysage, et crédibiliserait les intentions de Gannouchi, à moins d’un scénario de film de science fiction et dans ce cas, je tire mon chapeau à celui qui a imaginé ce complot.

III. La situation politique : l’après Ben Ali pour les tunisiens

Dès aujourd’hui, tout le monde a commencé à poser les questions de celui qui incarnerait la nouvelle Tunisie et la composition des gouvernements d’avant et d’après élections :

Certains tunisiens disent qu’ils ne veulent ni des opposants “patriotes” (ex-patriotes), ni d’opposition autorisée (Chebbi & co), ni d’opposition non autorisée (Marzouki & co), ni du RCD… Et veulent de nouveaux visages, et VITE.

D’autres, ne veulent surtout pas de Gannouchi (Rached) sur notre territoire.

Les troisièmes, les RCDistes (et oui, ils existent encore) font profil bas, et attendent que la situation s’éclaircisse pour éventuellement rebondir.

Soyons unis sur notre désaccord, pour les premiers, il ne faut pas rêver, sauf à ramener le PS français gouverner, je ne sais pas quelle solution peut répondre à leur attente (qui est défendable) sous 60 jours.

Pour les deuxièmes, soyons clairs, la Tunisie démocratique, pour laquelle des Hommes et des Femmes ont payé de leurs vies, est une Tunisie plurielle. S’il y a aujourd’hui plus de 50% des tunisiens qui pensent que R. Gannouchi vaut la Tunisie et que la Tunisie vaut R. Gannouchi comme président, il n’y aura pas de problème, mais avec l’éducation de Ben Ali sur l’islamisme d’une part et le saut de conscience politique que l’on a acquis en 4 semaines, je pense qu’au pire, R. Gannouchi aura quelques chaises au parlement.

Pour les RCDistes, attendez messieurs, mais la volonté du peuple est, pour les plus tolérants, que vous vous dispersez dans au moins deux nouveaux partis; pour les modérés, que le RCD soit dissout; et pour les extrêmes, que vous soyez fusillés (Joke! façon de dire!).

Concernant le gouvernement de transition, il faudrait que Gannouchi forme un gouvernement exclusivement formé d’opposants. L’apparition d’un seul visage du RCD est un signe de trahison de la volonté du peuple. Aucune exclusion des réfugiés ne doit être effectuée. Il faudrait que ce gouvernement travaille exclusivement à la préparation des élections. Un service d’état et d’administration minimum sera effectué par une liste bien définie d’administrations à la tête des quelles il faut également mettre des personnalités de confiance pour éviter toute évaporation des preuves de corruption.

Pendant cette période, le RCD est dissout ou fortement amaigri, et surtout ses biens sont nationalisés. Que les RCDistes se démerdent pour les prochaines élections en attendant que les ex Maisons du RCD deviennent des maisons d’associations et des partis politiques dès la mise en place du nouveau gouvernement de la Tunisie.

Durant cette période de transition également, tous les membres du gouvernement, cadres du service public, des sociétés publiques et du RCD ne seront pas autorisés à quitter le territoire, et ceux qui veulent se confesser, on leur fera une paroisse spéciale au sein de la cathédrale de Tunis.

Le nouveau gouvernement “élu” effectuera les enquêtes définitives sur les évènements, sur la corruption et aura pour tâche de reconstruire notre système et notre pays avec nous tous, Peuple de cette révolte. Bien entendu, on pourra retrouver certains RCD dans ce gouvernement, car, disons le clairement, il n’y a pas que des pourris dans ce parti, il y a quelques personnes compétentes et honnêtes dedans.

Alors, Unissons nous dans notre différence, laissons les 3 prochains jours à :

– A Gannouchi pour effectivement montrer que la volonté du peuple est ce qui dirige son action, il devra constituer le gouvernement et clarifier les coulisses du vendredi 14 ainsi que le rôle de l’armée dans les jours avant cette date et après.

– A notre Armée nationale pour arrêter le fléau de ces bandes d’agents de l’intérieur en résurréction

– A nos comités de quartier, nos nouvelles milices “gardes” de révolution et structures de gouvernance locale pendant ces deux prochains mois (propreté, ordre, approvisionnement…). C’est par ces groupes qu’on pourra bouger rapidement si Gannouchi détourne la volonté du peuple en descendant rapidement dans la rue.

– A nos internautes, pour engager des discussions responsables, ne pas dissiper les rumeurs, y compris celles des médias (nos chaines nationales en faisant partie car non encore matures avec la liberté de ton), ne pas tirer les conclusions de la révolution car la révolution n’est pas finie tant que la volonté de nos martyrs n’est pas respectée !

Ilyes Masmoudi.

PS1. Je tiens à remercier notre Armée Nationale pour laquelle chaque tunisien aujourd’hui éprouve un grand sentiment de fierté et de reconnaissance.

PS2. Je n’ai pas encore pu pleurer nos martyrs, je ne les pleurerais que le jour où j’aurais posé mon bulletin dans l’urne et que le résultat des élections corresponde réellement à la volonté du peuple.