Tunisie Mensonge Ben Ali


 

I.— Des victimes et des assassins

Il convient d’abord de rappeler l’un des piliers du pacte républicain autour duquel la société tunisienne s’organise. Ce pilier est bâti sur le dogme du monopole du port d’arme par les agents du ministère de l’Intérieur et par l’armée. Ce monopole est fondé sur la logique qui fait que les citoyens renoncent à porter des armes et c’est l’Etat qui prend en charge leur sécurité. Cela signifie : quoi qu’il en coûte en terme de vies humaines pour ses agents, l’Etat s’engage à garantir la sécurité de ceux à qui il interdit de porter des armes.

Dès lors, ceux qui sont commis pour la sécurité des citoyens ont pour mission sacrée de protéger la vie desdits citoyens. Les opérations de maintien de l’ordre ne peuvent en aucun cas justifier tout usage disproportionné de la force pour tuer. Autrement, cela serait qualifié d’Assassinat. C’est-à-dire un acte commettant un homicide volontaire avec préméditation.

Et je ne trouve aucune autre qualification : tuer un citoyen désarmé, c’est un assassinat. Et il n’y a que l’imbécile qui soit capable de tenir un discours pour affirmer que les décès sont dus au fait que les victimes se sont jetées sur les balles tirées par leurs assassins.

Quels que soient les troubles, en cas de manifestation, y compris s’il y a des jets de cocktails Molotov (et je ne suis pas en train de dire que ce fut le cas, je n’en sais rien, je n’y étais pas), on ne tire pas sur la foule pour tuer.

Pour rappel et à titre de comparaison : en mai 1968, malgré tout le désordre qui prit d’assaut les rues de la capitale française, pas une seule victime n’est tombée. Et aujourd’hui, 42 ans après, tout le monde rend hommage à ce préfet de la République, Maurice Grimaud, qui a fait son travail de maintien de l’ordre jusqu’au bout et avec l’honneur qui sied à sa fonction. Et s’il n’y a eu aucun mort, c’est parce que l’un des principes fondateurs des Républiques démocratiques, celui de l’usage proportionné de la force, fut respecté. On ne canarde pas les citoyens pour disperser une foule, ni ne les abat pour empêcher qu’un cocktail Molotov soit lancé.

Et je me souviendrai jusqu’à la fin de mes jours de ce communiqué si scandaleux qui parlait, lors des événements de Redayef, de «la mort [assassinat] d’un élément perturbateur». Et nous continuons à avoir droit à ces «fumeuses» sources anonymes qui reconnaissent la mort des Tunisiens abattus par les forces de l’ordre. Ces mêmes sources qui indiquent sans pudeur : «malgré les mises en garde lancées, conformément à la loi, par les forces de l’ordre, les éléments perturbateurs n’ont pas obtempéré, obligeant les forces de sécurité à intervenir. Ces événements —préciseront encore ces sources—, ont entraîné la mort de “X” éléments perturbateurs. »

 
II.— Des Lâches…

Lâche selon le Littré : «indique une disposition faible et misérable qui ne peut résister à aucun péril ; aucune espèce de courage ne reste ; une idée de mépris y est jointe.»
Selon le Robert : «Qui manque de courage, recule devant le danger, s’abaisse devant la force, la puissance. ➙ capon, couard, peureux, pleutre, poltron, veule.»

Outre les lâches, tant ceux qui ordonnent comme ceux qui tirent sur des citoyens désarmés, il y a les autres lâches qui regardent et se terrent, en particulier nos parlementaires. Toute la journée j’ai attendu un communiqué de ces derniers. Toute la journée j’ai attendu quelques mots de compassion envers les familles tunisiennes qui ont perdu les leurs, tombés sous les balles d’autres tunisiens. Mais rien… pas un mot. Et ma colère est immense.

Dans n’importe quel pays au monde avec un parlement qui se respecte, nous aurions eu droit à un tollé des parlementaires, ces représentants de la nation qui observeraient ainsi leurs concitoyens tomber sous les balles des forces de l’ordre. Nous aurions eu droit à l’annonce d’une commission d’enquête pour savoir exactement ce qui s’est passé et définir les responsabilités de chacun. On aurait eu droit à l’annonce de cette commission ne serait-ce que pour dire aux citoyens de la nation entière «nous sommes là pour contrôler l’exécutif et contrôler, entre autres, tout usage de la force par la police et par l’armée». Tout parlement qui se respecte ne peut et ne doit se suffire des déclarations du «grand flic» qui ordonne de tirer sur la foule. C’est tout de même invraisemblable que nos parlementaires observent ce qui se passe comme s’ils étaient sur la Lune. Au fond, ils ne sont bon qu’à voter cette somme astronomique —près 1,8 milliard de nos millimes— pour l’école privée de Leila Trabelsi épouse Ben Ali au détriment de nos petits écoliers, ces petits anges qui pataugent dans la boue pour accéder à leurs écoles de l’arrière-pays et s’installer dans des classes rongées par l’humidité et le dénuement.

Ma colère est si grande que je n’ai d’autres mots que de dire : «messieurs les parlementaires, quand des citoyens Tunisiens meurent sous les balles et que vous ne réagissez pas, c’est que vous n’êtes que des lâches aux ordres de celui à qui vous devez vos sièges, indignes de parler au nom de la nation et indignes de vous exprimer au nom de ce drapeau que vous avez transformé en vulgaire tissu pour recouvrir des cercueils.»

 

Astrubal, le dimanche 9 janvier 2011
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