Le pouvoir semble changer de tactique dans ses rapports avec l’opposition dite radicale, en faisant preuve de souplesse, histoire de rasséréner le climat général, en prévision des prochaines élections d’octobre 2009.

A en croire le journal Assabah dans son édition d’hier (dimanche), le pouvoir multiplie les gestes de bonne volonté à l’endroit de l’opposition progressiste, dite radicale. Entre le non-lieu dans l’affaire du procès intenté par cinq usines d’huile en bouteille contre al-Mawkef , journal du Parti démocratique progressiste (PDP), la décision de mettre le complexe culturel et sportif d’El Menzah VI à la disposition du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) pour la tenue de son prochain congrès à la fin de ce mois, la promesse faite par le ministre des Technologies de la communication pour régler les perturbations de la connexion Internet du parti Ettajdid, la volonté affichée de régulariser la situation des prisonniers du bassin minier de Gafsa et de clore définitivement ce dossier …autant de signes qui attestent de la volonté du pouvoir de mettre fin aux tensions qui ont toujours marqué ses rapports avec l’opposition dite radicale, et avec certaines organisations de la société civile.

Abstraction faite de la portée d’une telle démarche, de son caractère tacticien et temporel, ou plutôt stratégique et durable, ces mesures ne peuvent être que les bienvenues au regard de la rupture qui n’a que trop duré et qui a plongé le paysage politique et le débat public dans un cercle vicieux où les uns et les autres se tournent le dos, se jettent les accusations, entretenant des rapports vindicatifs, et pour le moins contreproductifs.

Des pas de ce type, s’ils venaient à se confirmer, contribueraient à débloquer un processus démocratique et pluraliste, qui est resté longtemps l’otage des traditions politiques ancrées en Tunisie, privilégiant le monolithisme au pluralisme, la parole à sens unique au débat contradictoire, le consensus inconditionnel à la différence, facteur d’enrichissement.

On dit toujours, qu’il y a un début à tout. Le fait que les prochaines échéances électorales servent de déclic pour amorcer une redynamisation de la vie politique, ne doit pas être interprété comme des calculs politiciens, voués à s’évaporer, sitôt le scrutin fini. Un tel raisonnement ne fera que maintenir le statu quo, et entretenir les suspicions de part et d’autre.

L’édifice démocratique se construit pierre par pierre. L’histoire nous apprend que le cheminement des pays vers la démocratie n’était jamais une sinécure. La démocratie est toujours le fruit d’une bataille pour la défense de principes et valeurs, d’une persévérance tenace, et d’un volontarisme collectif.

Si la Tunisie accuse un retard politique des plus anachroniques, ce n’est pas uniquement la faute au pouvoir, ni encore celle de l’opposition dans ses variantes, ou des organisations de la société civile. Il s’agit plutôt d’une faute commune qui a donné lieu à une crispation générale, qui a fait que chacun se complaise dans son rôle. Entre la fermeté du pouvoir face « aux écarts », les critiques de l’opposition radicale et sa démarche revendicative inlassable, l’opposition parlementaire a choisi d’emblée son camp, sans pour autant contribuer en quoi que ce soit à faire avancer les choses.

Tout cela pour insister sur l’impératif que ces signes de bonne volonté soient utilisés à bon escient. Au pouvoir de continuer à desserrer l’étau autour de l’opposition de manière à lui permettre de faire parvenir sa voix à la masse populaire. Aux partis d’opposition de passer de la logique de critique à la logique de proposition, de jouer leur véritable rôle de contrepoids et de concevoir un projet de société clair et viable, au service des intérêts suprêmes de la nation.
A l’élite de sortir de sa passivité, de descendre de son piédestal et de contribuer à réanimer le débat public, en jouant son rôle d’éclaireur de l’opinion.

Le Tunisien est en droit d’attendre à ce que les prochaines élections soient précédées par un vrai débat d’idées, avec des opinions qui s’échangent, des projets qui se confrontent lors de campagnes électorales menées dans la transparence, selon des règles égalitaires pour tous les candidats. Le cas échéant, il saura choisir en connaissance de cause.

Source : Gnet.tn