Décidément, notre si vénéré président, grand ami de Sarkozy, a bien des soucis à se faire avec sa famille. Plus précisément avec celle de sa femme, Leïla Trabelsi. Le dernier en date vient d’être révélé dans une dépêche de l’AFP annonçant la mise en examen, vendredi 16 mai, par un magistrat tunisien des deux neveux par alliance du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, dans le cadre de l’enquête sur le vol du yacht du banquier Bruno Roger à Bonifacio en 2006.

Il a fallu toute l’obstination de M Jean-Bastien Risson, juge d’instruction du tribunal d’Ajaccio, qui s’est rendu à Tunis jeudi, pour que la justice tunisienne se résigne enfin à accepter de mettre en examen Imed et Moaz Trabelsi pour « complicité de vol en bande organisée ». En effet, le juge français attendait l’exécution d’une commission rogatoire internationale délivrée aux autorités tunisiennes depuis le début de l’année 2008. Le sujet était depuis le début de l’affaire motif de tension diplomatique entre les deux pays. Chose que le procureur de la République d’Ajaccio, José Thorel, également du déplacement, dément. « S’il y avait eu des différends diplomatiques, la commission rogatoire n’aurait pas été exécutée par le juge d’instruction tunisien et nous n’aurions pas assisté aux auditions ainsi qu’aux perquisitions », a-t-il déclaré à l’AFP. Six autres personnes ont été également entendues par la justice tunisienne en tant que témoins dans cette affaire et les frères Trabelsi devraient même « répondre prochainement à une convocation de la justice française », toujours selon le procureur.

C’est un changement de position radical qu’opèrent ici les autorités tunisiennes qui tout en confirmant « que le bateau est bien entré en infraction en Tunisie », continue à démentir « toute implication de la famille présidentielle », comme le déclarait l’ambassadeur de Tunisie en France au canard enchaîné au moment du dernier vol. Les frères Trabelsi étaient pourtant soupçonnés d’être les commanditaires du vol en France de trois yachts et avaient été mis en cause par les convoyeurs du yacht de M. Roger, lors de leur interrogatoire en 2006 à Ajaccio.

Le canard qui a révélé cette dernière affaire racontait comment Princess, un yacht de 18 mètres de plus d’un million d’euros, appartenant à Bruno Roger, le PDG de la banque Lazard Frères, disparaissait en pleine nuit du port de Bonifacio en Corse. «Après une halte en Sardaigne, il ne tarde pas à réapparaître en Tunisie, à Sidi Bou Saïd», raconte l’hebdomadaire satirique. La compagnie d’assurances de Bruno Roger, qui dépêche un enquêteur en Tunisie, va y découvrir le yacht repeint et enregistré à la capitainerie du port de Sidi Bou Saïd sous le nom d’Imad Trabelsi, le célèbre neveu de Leïla, la femme du président. Informé, Interpol se rend sur place et saisi le yacht le 26 mai 2006 et puis le restitue à son propriétaire.

Mais, bonnes relations avec Tunis obligent, les négociations pour éviter de mettre en cause la famille de Ben Ali vont bon train. En la matière, la proximité entre Bruno Roger et Jacques Chirac, l’ancien président français s’est s’avérée très utile. Le patron de la banque Lazard s’est d’ailleurs montré très discret sur la mésaventure du Princess. Des tractations auraient même eux lieu pour racheter le fameux yacht et régler l’affaire « entre amis ». L’excellente relation qu’entretient Nicols Sarkozy avec son homologue Ben Ali ne pourra que renforcer le soutien de la diplomatie française à la famille du président tunisien. Bien vaillance qui pourraient expliquer qu’il a fallu deux ans au juge d’instruction français pour obtenir l’audition des frères Trabelsi !

Quatorze ans en arrière c’est le scandale du sang contaminé vendu par la France à la Tunisie qui aurait servi de monnaie d’échange pour que les autorités françaises renoncent à extrader Moncef, le frère de Ben Ali, condamné par contumace à Paris à douze ans de prison pour «trafic de drogue» dans l’affaire de la « Couscous Connection ». Que seront aujourd’hui les arguments du palais de Carthage pour pousser l’Elysée à calmer les ardeurs de la justice française ? L’affaire du jeune tunisien Abdelhakim Ajimi, tué lors d’une bavure policière en France ou les contrats fraichement signés, pourraient êtres des bonnes pistes de réflexions. Pour une famille qui semble ne rien se refuser…



Malek Khadhraoui
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