EditoPour bon nombre de tunisiens, les vacances d’été tombent à pic. En plus de posséder la caractéristique de se reproduire à date fixe, ces vacances présentent en réalité une nécessité réparatrice certaine. Non seulement pour chacun mais pour le pays tout entier. Il est vrai, me diriez-vous, que la Tunisie n’est pas en reste en matière de vacances. De célébrations disproportionnées en horaires « ramadanésques », des sacro-saintes « temps morts », des grandes compétitions sportives internationales en séance unique estivale, les tunisiens ont dors et déjà une conception très élargie de la notion de repos. De cette farniente institutionnalisée, une grande majorité n’en trouve rien à en redire et trouverait même qu’il y aurait matière à l’améliorer. Dans certains cas, le droit à la paresse n’est pas loin d’être revendiqué !

A l’instar des grands rendez-vous de fainéantise collective, les vacances estivales sont la période d’insouciance préférée des tunisiens. Dés le mois de juillet et les premières heures des journées de travail écourtées, les préoccupations des tunisiens s’adaptent aux exigences de l’époque. Ce qui consiste en somme à penser à comment faire pour profiter autant que son voisin, si non plus, des milles et une joie que promettent les moiteurs de l’été. Cette torpeur volontaire profite à plus d’un. D’abord, le législateur qui en profite généralement, et non sans une certaine lâcheté, pour voter des lois absurdes ou décréter des hausses de prix en cascades sans que cela ne soit le moins du monde contesté. Voter les mêmes lois ou procéder aux mêmes hausses en d’autres périodes de l’année ne susciterait point plus de réactions. Mais pour quoi rompre une si belle tradition républicaine ? Pour ceux qui s’opposent au dit législateur, les mois d’été représentent une trêve intellectuelle salvatrice ! Là aussi, ce n’est pas que leurs propositions constructives fusent pendant le reste de l’année, mais pendant cette période, au moins ils ne sont pas obliger de faire semblant.

Apres la frénésie alimentaire du mois du jeûne, arrive donc, la fièvre festive des mois d’été. Deux mois pendant lesquels l’outrance est élevée en art de vivre ; Deux mois d’excès généralisés. Excès de vitesse, excès d’alcool, excès de violence, excès de soleil, excès de crème glacée et j’en passe. Des excès qui touchent à la santé des tunisiens mais aussi, et d’encore de plus prés, à la santé de leurs portefeuilles. Les familles, qui se relèvent à peine des ardoises des grandes cérémonies festives qui ont ponctué l’année écoulée ainsi que les cours particuliers quasi-obligatoires des examens de fin d’années, affrontent avec beaucoup de courage des nouvelles dépenses souvent disproportionnées par rapport à leurs moyens réels. Cette volonté instinctive de dépenser, certains excellent dans l’art de la canalisée et dans celui d’alléger le vacancier de l’argent que souvent, il ne possède pas. C’est ainsi qu’on voit fleurir des terrasses où on vous propose différentes sortes de boissons qui coûtent jusqu’à 50 fois leurs prix de revient et qu’on met une heure à vous les servir ! C’est ainsi également que certains se bousculent pour déguster des pizzas mi-cuites saupoudrées d’ingrédients, qui n’existent réellement que sur la carte. C’est aussi grâce aux mêmes que d’autres payent le prix fort pour louer une maison qui donne sur la route derrière laquelle se trouvent les maisons d’où l’on aperçoit la mer ! Une mer qui devient de plus en plus inaccessible au commun des mortels.

Les vacances d’été c’est également des millions de touristes en sandales et chaussettes blanches qui débarquent sur nos plages et interdisent à leurs insu l’accès aux hôtels au plus part des tunisiens. A part quelques privilégiés et pour la plus grande majorité des tunisiens, obtenir une chambre d’hôtel ou même pouvoir se débarbouiller dans la piscine pendant la haute saison relève du miracle ou tout du moins d’un grand sacrifice financier. Pourtant, les tunisiens n’en veulent pas aux hôteliers qui eux, par leurs pratiques discriminatoires, semblent leur en vouloir et pas seulement aux avocats d’entre eux. Par ailleurs, la moindre baisse de régime dans les réservations des tours opérateurs étrangers et les mêmes hôteliers se transforment en véritables amis du peuple en lui proposant de profiter de la grande tradition hôtelière tunisienne à des prix abordables d’habitude réservés à nos hôtes. Avec 318 US $ dépensés par touriste, les tunisiens n’auront qu’à ne pas déroger à leurs habitudes pour faire mieux.

Mais les vacances estivales c’est aussi et surtout, le retour au pays pour des centaines de milliers de nos compatriotes vivants à l’étranger. Après une année de dur labeur, les tunisiens en mal de pays, reviennent d’année en année se soulager de leurs économies patiemment constituées. Ce n’est ni l’économie tunisienne ni les familles et les proches qui se plaindront ! Mais au-delà, des considérations financières, c’est principalement un moment de retrouvailles privilégié. C’est d’autant plus primordial que s’il gagne en sincérité et en franchise il nous permettrait de mieux voir notre réalité que l’on vie en Tunisie ou ailleurs dans le monde. Ceux vivant en Tunisie arrêteraient de fantasmer de l’eldorado occidental à travers le niveau de vie des émigrés en vacances, qui est généralement loin d’être le leur durant le reste de l’année. Ces même tunisiens expatriés chercheraient plus à regarder derrière l’armada de mesures et de directives que le régime en place déploie pour leur laisser le meilleur souvenir de leurs vacances et d’occulter ainsi, le temps d’une baignade, sa vrai nature.

Malek Khadhraoui
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