Aux rappeurs keffiens emprisonnés,
pendant que les bien-pensants choqués par leurs « gros mots »
mettent des baillons à la révolte de leur verbe…


« je vous appelle
je serre vos mains
j’embrasse la terre sous vos semelles
et je dis : je vous donne ma vie
la lumière de mes yeux
je vous donne la chaleur de mon cœur
car le drame que je vis
est mon lot de votre tragédie
 »

(Tawfiq Zayyad)

Ils ont dit
« Verte »
Comme l’âge de la pomme tombée des mains d’Adam et Eve
Ils ont dit « verte »
Verte
Comme la nourriture qui tombe de nos bouches aux pieds des arbres
Ils ont dit « verte »
Comme l’humiliation sur nos dos
Verte comme le sang de la religion
Verte comme les dollars qu’ils adorent
Ils ont dit « verte »
Mais nous disons
La Tunisie est la passion que nous adorons
Et l’air que nous aimons
Mais nous disons
La Tunisie n’est pas verte
Elle était vierge
Alors vous l’avez violé
Et vous avez lavé vos pénis
Avec son sang
Elle était vierge comme nous l’étions
Alors vous l’avez violé comme vous nous avez violé
Et vous avez bu nos bras et nos yeux fondus
Nous étions vierges
Alors vous nous avez amputé de nos sexes
Vous croyez que c’est le sexe qui fait l’homme ou la femme
Chacun de nous est tous les hommes et toutes les femmes à la fois
Ainsi nous sommes les premiers et les derniers anges
Avec ou sans sexe
Vous croyez que nous ne pouvons plus avoir d’enfants
Mais nos sexes jetés dans Chott Ejjerid forment déjà les enfants de la liberté
Vous nous avez violé puis tué
Le sang n’a pas coulé de nos corps
Mais le drapeau de notre patrie
Et il n’est pas vert
Il est rouge comme le sang de la première nuit d’amour

Ils ont dit
« Immigration choisie et non subie »
Mais nous disons
Notre pays est le monde et notre monde est l’univers
Nous sommes plus français que vous ne l’êtes
Nous sommes plus tunisiens que vous n’êtes français et nous sommes plus vietnamiens que vous n’êtes français et nous sommes plus maliens que vous n’êtes français et nous sommes plus péruviens que vous n’êtes français et ne le serez jamais
Car nous sommes plus humains que vous n’êtes mammifères
Ils ont dit
« Immigration choisie et non subie »
Mais nous disons
Vous colonisez nos richesses et poussez le zèle jusqu’à vampiriser nos cerveaux
Quand à vos frontières à sens unique
Nous les briserons avec l’esprit dans nos mains et le feu dans nos yeux
Et nous n’aurons pas d’autres armes que les couleurs de nos peaux
Et nous viendrons manger de votre pain et boire de votre vin car nous aimons les pains et les vins de tous les pays
Et nous viendrons faire l’amour à vos hommes et vos femmes car quand le soleil et la pluie font l’amour un arc-en-ciel noue le ciel à la terre
Comme une tresse de cheveux entre les omoplates d’une femme
Ils ont dit
« Immigration choisie et non subie »
Puis ont ajouté
« Pour les talents notamment artistiques nous concevrons un nouveau titre de séjour »
Mais quelques uns parmi nous disent
Vous nous aviez édifiés des bûchers il n’y a pas si longtemps de cela
A notre tour nous édifierons des bûchers pour le déshonneur des artistes
Puis nous créerons avec la cendre
Des êtres que vous ne pourrez jamais percevoir

Ils ont dit
« Nous ne fournirons plus d’aides au gouvernement
palestinien »
Mais nous disons
Quand l’état d’Israël reconnaîtra l’existence de la Palestine
Quand Israël cessera son terrorisme d’état
Quand il arrêtera de balafrer notre terre et qu’il cicatrisera sa blessure
Qu’il replantera nos oliviers qu’il a arrachés
Qu’il reconstruira nos maisons et nos villages qu’il a rasés
Quand les israéliens nous demanderons pardon ils n’auront pas à nous demander la permission de rester il n’y aura plus de chez nous et plus de chez eux
Nous pourrions alors être enterrés dans les mêmes cimetières
Ils ont dit
« Nous ne fournirons plus d’aides aux gouvernement palestinien »
Mais nous disons
Votre argent vous pouvez vous le manger ou vous le fourrer là où nous pensons
Vous voulez nous affamer mais vous ignorez que nous sommes capables de manger les étoiles les fleurs la lumière du jour et le croissant de lune et nous boirons la mer les abeilles les pierres et l’amitié

Ils ont dit
« Nous sommes les dirigeants des pays arabes »
Mais nous disons
Ceci n’est pas un poème ni un article ni un quelconque autre texte
Ceci n’est même pas une pierre ou un crachat lancé sur vos gueules
Ceci est un mélange de nos excréments
Que nous vous ferons avaler à l’entonnoir le jour venu
En attendant laissez-nous vous dire sales dictateurs que ce jour ne saurait tardé
En attendant laisses-nous te dire Mohamed VI tout haut ce que certains de nos frères marocains pensent tout bas « On t’emmerde »
Laissez-nous vous dire Bouteflika et ben ali le petit tout haut ce que certains de nos frères algériens pensent tout bas « Vous pouvez crever intranquilles nous ne vous pleurerons pas et l’histoire finira par vous juger »
Toi aussi Guadeffi et toi aussi Moubarak qui porte si mal ton nom
« On vous chie dessus » et on le fera sur vos fils si vous leur lèguerez le pouvoir
Et vous roisillons du golfe laissez-nous vous dire tout
haut ce que certains de nos frères pensent tout bas vous avez beau cacher votre graisse sous d’amples djellabas un jour vous serez nus et nous vous rirons au nez
Ils ont dit
« Nous sommes les dirigeants des pays arabes »
Mais nous disons
Permettez-nous messieurs de vomir sur vos codes pénaux et votre morale
Vous pouvez nous enfermer dans la plus petite cellule de la plus pourrie de vos prisons nous serons encore plus libres que vous dans vos palais et vos costumes de croque-morts
Permettez-nous messieurs les dictateurs de bas étage de vous réciter cette petite litanie des insultes
Nous urinons dans vos bouches en chantant « Allez vous faire foutre »
Nous chions sur vos pâles figures en chantant « Niquez vos mères et vos filles et vos putes »
Vous creusez vos propres tombes
Pendant que nous allons en guerre
Vous creusez vos propres tombes
Pendant que nous reposons en révolte