Peut-être, M. Bush, au lieu de faire de nous, encore, une sous catégorie de l’humanité tel que le consacre la nouvelle expression “Grand Moyen-Orient”(GMO), il serait plus judicieux pour tous de respecter ce qui nous lie déjà, tant au travers des rapports entre les Etats qu’au travers de l’amitié entre les peuples.

Au cas où vous ne l’auriez pas encore remarqué, la plupart des pays qui appartiennent à cette nouvelle catégorie du GMO n’ont pas besoin sur le plan institutionnel et juridique de réformes démocratiques à proprement parler. Parce que sur le papier, aussi invraisemblable que cela puisse vous paraître, ces pays le sont déjà. L’urgence n’est pas dans une énième réforme Constitutionnelle, mais dans la consolidation des droits existants.

Vous n’avez qu’à consulter leurs Constitutions et vous verriez que tous consacrent la démocratie comme fondement de leurs régimes, tous font de l’élection l’instrument qui permet de nommer les représentants du peuple aux affaires – certes, la pratique en est tout autre je vous le concède. Je vous apprends également que les libertés fondamentales sont par ailleurs inscrites dans ces mêmes Constitutions à quelques variantes près. Plus encore, ces mêmes pays ont ratifié de nombreuses conventions internationales qui donnent davantage de consistance à ces libertés et droits fondamentaux.

Tout ce que l’on vous demande, c’est d’honorer vos obligations morales et juridiques en respectant ce qui nous lie.

Avant de nous parler de réformes que vous aimeriez initier dans le “Grand Moyen-Orient”, c’est chez vous qu’elles doivent être initiées. Pour être crédible, commencez d’abord le ménage chez vous, en incriminant un certain nombre d’actes qui alimentent en grande partie le “pus” qui ravage nos plaies, en l’occurrence :

la pénalisation du recel sur votre territoire d’abus de bien sociaux commis dans les pays du GMO ;

la pénalisation du recel sur votre territoire des détournements de fonds qui ont eu lieu dans le GMO ;

la poursuite des tortionnaires et de tous ceux qui violent les conventions internationales relatives aux droits de l’Homme et lesquels se réfugient sur vos territoires ;

la mise au ban des nations des chefs d’Etat qui violent impunément la dignité humaine, telle que protégée par les instruments internationaux ;

étendre l’infraction de corruption prévue par le droit de votre pays à toute corruption commise par vos concitoyens hors de votre territoire national, c’est-à-dire – et surtout – à toutes celles qui sont commises pour corrompre les puissants du GMO ;

promouvoir la démocratie et la liberté d’expression à partir de votre territoire par le financement de chaînes TV satellitaires gérées par un consortium d’organisations humanitaires (RSF, AI, HRW, etc). Des chaînes ouvertes aux voix opprimées et à ceux qui luttent non pas tant pour des réformes juridiques mais pour faire appliquer les garanties fondamentales dont ils sont censés disposer.

Au fond, il n’est peut-être pas exagéré d’affirmer qu’il y a bien plus à faire chez vous en terme de réformes qui touchent le GMO que sur le territoire même de la région en question. Pour être crédible, commencez AU SEIN MEME DU DROIT ET DES INSTITUTIONS DE VOTRE PAYS par condamner, incriminer et sanctionner tout ce que vous pourriez reprocher aux pays du GMO – actes qui ont un prolongement sur votre territoire à l’instar du blanchiment de l’argent produit de la corruption, des détournements de fonds et des abus de biens sociaux.

Astrubal, le mercredi 17 mars 2004